L’équilibre hormonal est la clé de notre santé – Inverview de Jean-Claude Lapraz
Le système hormonal intervient à tous les niveaux de notre corps et de notre esprit : une Interview de Jean-Claude Lapraz, médecin et chercheur qui développe depuis plus de 40 ans une approche de la médecine de terrain, l’endobiogénie, médecine intégrative visant à rétablir les équilibres internes de l’organisme et à stimuler les mécanismes d’autoguérison.
L’endobiogénie, médecine prometteuse fait l’objet de publications internationales et est enseignée dans plusieurs pays du monde. Plutôt que se focaliser sur la seule maladie, elle remet l’homme au centre de la réflexion. Dans cette approche, comprendre et accompagner le système hormonal vers plus d’équilibre est primordial et constitue la clé de la santé.
Propos recueillis par Sophie Bartczak
Vous considérez le système hormonal comme le chef d’orchestre de notre organisme. Pourquoi ?
Jean-Claude Lapraz : « Actuellement, l’étude des hormones est plutôt du domaine des endocrinologues et elle est considérée comme une « spécialité ». En se limitant ainsi à l’étude d’une « partie » de notre organisme, on ne s’intéresse à elles que lorsque leurs déséquilibres entraînent des maladies évidentes du système hormonal, comme par exemple le diabète. Pourtant les hormones sont au centre de la vie. Ce sont elles qui assurent l’architecture même du vivant et son fonctionnement. En effet, la vie implique une succession permanente de mouvements. À chaque seconde, des cellules sont détruites et reconstruites afin d’assurer un équilibre constant. Cette organisation du vivant est pilotée par le système hormonal qui nous permet de nous adapter en permanence à notre environnement de manière cohérente. Grâce aux hormones, il intervient non seulement à tous les niveaux de notre corps mais aussi de notre esprit. »
Les systèmes hormonal et nerveux sont les deux grands axes de communication de notre corps. Quelle est la spécificité des hormones ?
Jean-Claude Lapraz : « En assurant la construction de l’organisme dès la conception, le système hormonal préside à la vie physique, émotionnelle et intellectuelle de l’être. Sans les hormones, il n’y aurait pas de vie et le fœtus ne pourrait se développer. Alors que le système hormonal est actif dès la fécondation, le système nerveux se met, lui, en place plus tard au cours de l’embryogenèse à la septième semaine. Il est donc second, ce qui se comprend car il faut d’abord construire les structures du corps avant que celles-ci ne permettent l’apparition de la pensée. Ces deux systèmes fonctionnent en permanence en interaction et sont interdépendants, mais il faut bien comprendre que sans le système hormonal la vie n’est pas possible. En effet, c’est lui qui gère notre organisme, depuis le fonctionnement du noyau de toute cellule jusqu’à celui de la globalité de notre être. »
Vous comparez notre système hormonal et notre organisme à une usine. Plus précisément ?
Jean-Claude Lapraz : « Imaginez une usine qui fabrique des voitures. Il faut une cohérence dans la chaîne de fabrication et suivre des étapes de construction bien précises. Si on passe de l’étape 1 à 4 directement, on obtiendra une voiture sans roues ni freins, par exemple. Eh bien, le système hormonal suit la même logique à travers quatre grandes chaînes de fabrication. C’est pourquoi derrière toute maladie, quelle qu’en soit la nature, il y a toujours un déséquilibre hormonal. Psychose, névrose, dépression, cancer du sein ou encore bronchites chroniques sont le signe de mécanismes dérégulés. Une même maladie peut être ainsi le résultat de différentes causes : est-ce la chaîne 2 qui travaille trop ou la chaîne 4, pas assez ? C’est le rôle du médecin d’identifier l’endroit précis qui dysfonctionne : cela n’est possible que s’il remet le patient – et non la maladie – au centre de sa réflexion. Comprendre l’histoire du patient et son fonctionnement, c’est la procédure incontournable pour pouvoir identifier le dérèglement ou la faiblesse hormonale d’une des chaînes de production. »
Avons-nous chacun un équilibre hormonal qui nous est propre ?
Jean-Claude Lapraz : « Oui. Nous sommes façonnés par notre parcours de vie et notre environnement (climat, aliments, émotions, relations…) qui modulent l’expression de nos gènes (épigénétique) via nos hormones. Ces dernières sont en effet comme des clés susceptibles de faire s’exprimer ou non tel gène hérité de nos parents. Pour comprendre clairement les liens entre nos gènes et les maladies qu’ils sont susceptibles de faire apparaître, il faut comprendre le rôle du système hormonal car le génome est sous le contrôle de nos hormones. Il n’y a donc pas d’inéluctabilité absolue dans l’expression des déséquilibres génétiques dont nous sommes porteurs. »
Comment intervenir sans risque sur ces subtiles et complexes organisations de chaque personne ?
Jean-Claude Lapraz : « En comprenant comment son corps et son esprit se comportent. Face à un patient sujet à des infections respiratoires récidivantes, plutôt que de se limiter à cibler le germe, mieux vaut se demander pourquoi l’organisme lui a laissé la possibilité de manifester son pouvoir agressif et de déclencher la maladie. Apparemment les systèmes de défense immunitaire ont baissé. Pourquoi ? Est-ce la conséquence d’un excès d’activité du pancréas (trop d’insuline) ou d’une baisse excessive de cortisol chez un sujet épuisé dont les capacités anti-inflammatoires sont diminuées ? Ainsi, sans avoir de maladie hormonale, on peut présenter des déséquilibres hormonaux responsables de désordres de santé « sans lien apparent avec les hormones ». En identifiant ces déséquilibres et en les corrigeant via des plantes adaptées ou certains régimes alimentaires spécifiques, on voit disparaître bien des maux du quotidien et on limite ainsi la survenue de maladies chroniques ou graves, fruit de subtils déséquilibres hormonaux au long cours. »
Suite à la parution de l’article dans la presse « Ces hormones qui nous gouvernent » paru dans la Vie le 21 Avril 2016, la rédaction de cette revue hebdomadaire nous a transmis le courrier suivant :
Docteur F.G., ancien chef de service Endocrinologie Centre Hospitalier de X : » Merci pour cet intéressant dossier sur ces hormones discrètes qui nous gouvernent, et particulièrement le « 24H chrono… avec nos hormones ». Ce panorama survole avec justesse toutes les régulations et contre-régulations hormonales de notre organisme au long de la journée. Il montre l’étendue du champ de la spécialité médicale endocrinologie et maladies métaboliques.
Je regrette cependant que vous n’ayez pas donné la parole à un endocrinologue clinicien. Ces spécialistes discrets n’ont pas le temps d’écrire des livres grand public, mais ce sont des internistes qui soignent leurs patients dans leur globalité et appliquent les données acquises de la science avec rigueur.
Je ne suis pas convaincue que les effets de la phytothérapie passent par des mécanismes directs hormonaux scientifiquement démontrés et que des traitements par les plantes vont guérir ou prévenir des maladies thyroïdiennes, des diabètes ou des maladies chroniques avérées. Et cela peut être dangereux de le faire croire. »
Jean-Claude Lapraz : « Tout acte thérapeutique doit reposer sur un diagnostic clinique précis étayé par des examens complémentaires. Ceci s’impose à tout médecin, quel que soit le mode de traitement qu’il utilise et les moyens (produits de synthèse, plantes médicinales, autres) auxquels il va avoir recours pour traiter son patient. Que ce soit à visée curative ou préventive, le choix thérapeutique doit s’inscrire dans une stratégie cohérente : d’abord ne pas nuire, et ne recourir aux armes lourdes qu’en cas d’urgence ou si le pronostic vital est engagé.
Si l’organisme est incapable de maintenir son propre équilibre, alors le recours aux médicaments substitutifs s’impose, et la chirurgie si nécessaire.
Mais le chemin qui mène à la maladie avérée ne se fait pas en un jour.
Par exemple, la maladie de Basedow est l’aboutissement de longs déséquilibres fonctionnels dont la non prise en compte par des moyens thérapeutiques adaptés explique pour une large part la survenue. Mais cette maladie de la thyroïde qui s’emballe existe bien avant le big-bang de son explosion.
Comme pour l’ensemble des domaines de la médecine, les plantes médicinales trouveront ici aussi, dans cet exemple particulier, un rôle capital.
En effet, elles sont dotées d’une activité pharmacologique réelle, bien adaptée aux exigences d’une régulation physiologique de déséquilibres latents ou patents, et prouvée par de nombreux travaux scientifiques référencés dans le principal moteur de recherche de données bibliographiques de la biologie et de la médecine (Pub Med)1
Judicieusement choisies et adaptées à l’état spécifique du sujet considéré, elles se présentent comme des moyens thérapeutiques efficaces, comme peuvent en apporter par des preuves répondant aux critères de la science actuelle les nombreux médecins qui, de par le monde, les utilisent.2. »
A titre d’exemple, et pour nous limiter à la seule glande thyroïde :
- 1 – Activité de freination de la glande thyroïde 3 :
LYCOPE (Lycopus europa) : freinateur de l’excès d’activité centrale TRH/TSH et qui inhibe la transformation de la thyroxine (T4) en tri-iodothyronine (T3), diminuant ainsi les effets des hormones thyroïdiennes. Cette plante est aussi douée de propriétés antigonadotropes expliquant son effet chez les femmes hyperthyroïdiennes présentant des bouffées de chaleur en période de ménopause.
BRASSICA oleracea (Chou) : son action antithyroïdienne est bien connue et ses mécanismes parfaitement élucidés. Ce végétal inhibe la synthèse des hormones thyroïdiennes en captant l’iode par les thiocyanates qu’il contient, ce qui entraîne un blocage de la formation de la thyroxine (T4) et peut provoquer dans un deuxième temps l’apparition d’un goitre par la relance réactionnelle de la TSH.
- 2 – Activité de stimulation de la glande thyroïde :
FUCUS vesiculosus (Fucus)
Cette plante marine absorbée sous forme de poudre, apporte environ 1 microgramme d’iode par milligramme de Fucus. Elle est conseillée en cas d’insuffisance thyroïdienne avec carence en iode : elle est donc intéressante pour traiter les hypothyroïdies frustes sans auto-anticorps avec une TSH élevée et une T4 basse. Ce qu’il faut savoir c’est que son absorption prolongée peut induire une hyperthyroïdie.
Du fait de sa teneur en iode, elle peut rendre impossible l’examen scintigraphique de la thyroïde, c’est pourquoi les radiologues demandent toujours aux patients s’ils ont absorbé des médicaments à base d’iode, ce qui interdit l’examen car alors la scintigraphie sera « blanche ».
C’est par l’usage quotidien des plantes médicinales que le médecin peut visualiser la réalité de leurs actions. Elles doivent retrouver leur vraie place au sein de la médecine et ne pas être rejetées de principe hors d’elle par ceux qui n’en ont pas la connaissance ni la pratique. »
Notes :
1) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/advanced.
2) cf articles scientifiques sur Pub Med
Jean-Claude Lapraz participait le 9 novembre aux 4e Assises de l’innovation thérapeutique, manifestation placée sous le parrainage du Secrétariat d’État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche.
Voici le texte de son intervention durant la table ronde « Quelle chaîne de valeur à l’heure de l’industrie 4.0 ? »
Jacques MARCEAU animateur de la table ronde :
L’innovation ne vient pas uniquement de progrès industriels issus de la recherche permettant de mettre à jour de nouvelles molécules, de nouvelles approches thérapeutiques à travers de nouvelles formules. L’innovation vient aussi du service. Le comportement est l’un des fondamentaux. Mais on peut être atteint d’une maladie qui n’a rien à voir avec le comportement. Après avoir évoqué la médecine régénérative, la médecine prédictive, la médecine préventive, de nouvelles approches thérapeutiques, nous allons nous arrêter sur une approche peut-être plus triviale avec Jean-Claude Lapraz qui travaille sur l’endobiogénie. Cette technique est basée sur des algorithmes et une analyse prédictive à partir du bilan biologique.
Une nouvelle approche : l’endobiogénie
Jean-Claude LAPRAZ, président et fondateur, Société Internationale de Médecine Endobiogénique et de Physiologie intégrative (SIMEPI)
45 ans de pratique de la médecine générale, dont 7 années à l’hôpital Boucicaut (Clinique Chirurgicale Générale et Oncologique. Pr Reynier, AP-HP, Paris).
Dès le début de mon installation m’est apparue la nécessité de définir une approche intégrative de l’être humain qui s’efforce de comprendre comment il se gère dans une dynamique permanente, à la fois par rapport à lui-même, à la maladie et à son environnement.
La démarche intégrative que nous proposons a donné naissance à des travaux qui se développent au plan international (États-Unis, Mexique, Lituanie) à travers des équipes pluridisciplinaires, et plus récemment en France.
Pour une physiologie intégrative en médecine
L’évolution actuelle de la médecine insiste sur la nécessité de replacer le malade au centre du système de soins et d’élargir la vision qui a prévalu jusqu’ici et qui a dissocié la maladie de la spécificité du sujet qui l’exprime. Cette obligation de ne plus considérer la maladie comme une entité autonome est apparue de plus en plus évidente du fait des découvertes de la génétique qui ont clairement mis en évidence le rôle fondamental du génome du patient dans son lien avec les pathologies qu’il exprime. La vision génomique de la maladie établit des relations étroites entre les gènes et la prédisposition à développer certaines maladies et permet d’adapter de façon plus précise le traitement d’un patient grâce au ciblage moléculaire de la
molécule utilisée pour traiter l’anomalie génétique.
Malgré les progrès de plus grande efficacité thérapeutique qu’une telle approche de la réalité permet d’obtenir, en réduisant le sujet à son seul génome et en ne l’abordant pas dans la globalité de ses propres fonctions et de ses relations avec le monde, elle butte sur les limites d’une vision essentiellement analytique.
L’épigénomique, à savoir l’étude des phénomènes qui modifient l’expression des gènes, montre clairement que cette vision génomique réductionniste de la maladie doit s’ouvrir sur une compréhension plus large en éclairant les relations existant entre génome et environnement.
L’objectif que poursuit l’endobiogénie est de proposer une compréhension originale des mécanismes physiologiques à l’oeuvre dans le vivant. Ces mécanismes doivent être intégrés sur un mode de fonctionnement dynamique dans une approche unifiée du sujet, partant de l’expression du potentiel génétique abordé à la fois dans ses relations à la vie nucléaire, cellulaire, tissulaire et à celle des organes en eux-mêmes et dans leurs relations fonctionnelles rapportées à l’ensemble de l’organisme.
Cette vision intégrée du vivant se fonde sur les notions de globalité, de système, d’interrelation de systèmes, de dynamique et de relativité. Elle impose que le patient, et non pas la seule maladie, soit replacé au centre de la réflexion diagnostique. Celui-ci doit être abordé dans sa réalité physiologique personnelle et dans sa relation à son milieu, quels qu’en soient les aspects : hygiéno-diététiques, cosmo-telluriques, émotionnels, affectifs, socioculturels, économiques, etc. Il s’agit alors d’intégrer l’ensemble des systèmes et de ne pas se borner à une approche éclatée de l’individu.
L’organisation des systèmes vivants
Les systèmes fonctionnels auto-organisés, tel le corps humain, sont organiquement fermés mais fonctionnellement ouverts. La biologie des systèmes impose la nécessité d’identifier quel est celui qui est capable de faire l’intégration du gène à la cellule, aux tissus, à l’organe, à l’organisme considéré comme un tout, non seulement dans sa relation en lui-même, mais aussi dans les relations verticales, horizontales et radiaires de chacune des parties du système. Tous ces niveaux sont forcément intégrés dans une dynamique permanente du vivant. Ils ne sont pas figés, et seule la compréhension des mécanismes de la vie propre de l’individu peut apporter une vraie compréhension de son état de santé, de la genèse de ses
pathologies et de leurs causes réelles.
La biologie intégrative
S’inscrivant dans une telle approche, l’endobiogénie propose un modèle de simulation biologique de ce fonctionnement unifié en définissant le gestionnaire de l’intégration : le système endocrinien.
Par l’intermédiaire d’algorithmes basés sur la physiologie, la méthode scientifique que nous proposons permet d’évaluer quantitativement le fonctionnement des axes endocrines à divers niveaux (endocrine, métabolique, tissulaire, organique) et d’établir un profil physiologique unique pour chaque patient.
Concrètement, ce système algorithmique permet de remonter en amont de ce qui se trouve dans le sang circulant, qu’il s’agisse d’éléments figurés (globules rouges, blancs, etc.) ou de protéines, d’enzymes, etc
Ces produits du métabolisme impliquent que leur gestion soit assurée par un régulateur capable d’intégrer, à tout instant et en tout lieu, chaque élément de l’ensemble : du niveau le plus infra structural à celui global d’un être inséré dans son milieu et en relation avec ce milieu. Il n’existe qu’un système dans le corps humain qui soit capable de gérer cette intégration à tous les niveaux, y compris d’assurer l’intégration du génome : c’est le système hormonal.
Une simple prise de sang
Le système est simple dans son principe. Par exemple, à partir d’une prise de sang, le médecin peut constater s’il y a trop ou pas assez de globules rouges ou de globules blancs, et définir une pathologie : anémie, ou présence d’une infection.
Cette vision purement analytique ne remonte pas en amont, au niveau du gestionnaire endocrine : le système qui fait l’intégration des systèmes et des fonctions qui ont participé à la synthèse de ces éléments mesurés dans le sang circulant. Or de très nombreuses publications scientifiques internationales nous apprennent que les androgènes sont responsables de la production des globules rouges et que les globules blancs sont sous contrôle des œstrogènes. Un premier ratio globules rouges/ globules blancs va donc donner une idée de la façon dont fonctionne en amont le gestionnaire endocrine en ce qui concerne la relation entre l’activité des androgènes par rapport aux œstrogènes au niveau des effecteurs de la moelle osseuse qui vont produire ces éléments figurés présents dans le sang.
Ce ratio GR/GB permet de définir une fonction qui évalue, à partir d’une simple prise de sang, une activité tissulaire précise du gestionnaire endocrine, dénommée ici « index génital , et quantifie l’activité des androgènes par rapport à celle des œstrogènes dans leurs effets tissulaires. D’autres algorithmes, conçus selon ce même processus, ont été établis et évalués depuis de nombreuses années et figurent dans le modèle de simulation que nous proposons à la communauté scientifique (Endobiogeny : a global approach to systems biology. Lapraz JC, Hedayat KM, Pauly P. Global Advances in Health and Medicine. January – 2013).
Actuellement, nous développons divers travaux en collaboration avec des équipes de recherche, en cardiologie par exemple. Nous sommes à la disposition des médecins qui souhaiteraient travailler avec nous.
Exemple d’un bilan de base
Ces algorithmes peuvent apporter une valeur ajoutée considérable. Le bilan de base nécessaire pour établir la biologie des fonctions d’un individu est peu onéreux : moins de 120 euros. il comprend le dosage des globules rouges et blancs, les plaquettes, deux enzymes (CPK, LDH), une hormone (TSH US), un marqueur du métabolisme osseux (ostéocalcine), les phosphatases alcalines totales et leurs iso-enzymes (os, foie, intestins), le potassium, et le calcium.
La biologie des fonctions donne naissance à plus de 150 index, de structure comme de fonction, qui vont permettre :
d’évaluer le terrain physiologique d’un individu et ses risques à un instant T.
de déterminer les déséquilibres à l’origine de la pathologie et participant à ses modalités particulières
d’expression, en montrant comment les systèmes sont inter-reliés.
de suivre l’évolution physiologique du patient sous l’effet du traitement.
de détecter les effets positifs ou négatifs du traitement et la relation entre « maladie, traitement et patient ».
d’identifier de façon précoce le risque de récidive.
d’établir une vraie stratégie de prévention.
Ce système se situe au coeur de la médecine moderne et se présente comme un nouvel un nouvel outil d’évaluation intégrative du fonctionnement de l’organisme humain, à la disposition de tout médecin.
Paru dans « Mutualistes » n°387, avril-mai-juin, le journal de la mutuelle des Pays de Vilaine.
Le docteur Jean-Claude Lapraz, généraliste, Président de la SIMEPI, développe depuis plus de quarante ans une approche de la médecine, baptisée endobiogénie, qui remet le malade au centre de la pratique médicale. Il nous explique comment, dans ce type de stratégie thérapeutique, les plantes médicinales peuvent tenir une place majeure.
Nous assistons depuis quelques années à une remise en cause profonde des médicaments modernes dont l’usage se révèle de plus en plus dangereux. Et, fait nouveau, de célèbres professeurs de médecine, comme les docteurs Debré et Even, clament dans la presse grand public leur indignation face à l’usage inconsidéré et généralisé des molécules de synthèse, dont ils dénoncent non seulement les dangers, mais aussi l’inutilité pour nombre d’entre elles. Cette remise en cause est d’autant plus courageuse et questionnante qu’ils ont eux-mêmes prescrits quotidiennement ces molécules pendant toute la durée de leur longue carrière hospitalière médicale et chirurgicale.
Si leur prise de position publique est positive en ce qu’elle attire l’attention sur la nécessité de redéfinir une politique du médicament, elle n’en reste pas moins stérile en ce qu’elle ne propose aucune solution de rechange qui permettrait d’offrir une alternative aux patients plongés dans le désarroi et déroutés face aux dangers rapportés. Or, en tant que médecin exerçant la médecine générale en pratique privée et hospitalière depuis plus de quarante
ans, et président d’une fédération internationale regroupant des médecins de plusieurs pays, nous pouvons affirmer qu’il est possible de proposer une solution raisonnable et déjà éprouvée. Encore faut-il que ces médecins soient entendus par les pouvoirs publics, ce qui dans notre pays n’est pas une mince gageure…
Repenser l’usage du médicament
La nécessité de repenser de façon radicale l’usage du médicament impose celle de reconsidérer sur quels fondements scientifiques repose cet usage. En réalité, la crise du médicament est beaucoup plus profonde qu’il ne paraît, car elle s’inscrit dans la logique de la façon dont la médecine s’est constituée en tant que science du vivant.
Confrontés à la complexité de l’organisme humain, les chercheurs se sont engagés dans une voie de simplification en le faisant éclater en multiples organes et fonctions, à la recherche de la structure la plus élémentaire
(jusqu’au gène) considérée comme la cause de la maladie. Cette cause identifiée, il suffisait de trouver le médicament ciblant sur cette anomalie pour que la guérison soit acquise. En quelque sorte, nous pourrions dire que la fonction du médicament moderne s’adapte de façon très étroite à ce que l’on attend de lui : un effet ponctuel “salvateur” sur une petite partie “malade” d’un ensemble infiniment complexe que constitue le corps humain.
Or, cette vision parcellaire de la réalité bute sur ses limites que tous s’accordent à reconnaître aujourd’hui et dont les malades souffrent dans leur état quotidien, étant confrontés aux échecs, aux récidives, aux pathologies induites et aux complications, conséquences autant d’une appréhension partielle de leur cas que de l’utilisation de produits puissants mal adaptés à la physiologie de leur organisme.
C’est pour répondre à ces constats que notre groupe de médecins propose une vision intégrative de la physiologie du vivant, qui prenne en compte les liens unissant les organes aux fonctions et à la globalité de l’organisme et qui permette la réalisation d’une médecine réellement personnalisée.
Considérer le patient dans sa globalité
Cette approche, l’endobiogénie, se situe au coeur de la médecine elle-même. Elle définit une nouvelle compréhension des signes présentés par le patient, un examen clinique qui soit intégré et non dissocié de l’ensemble de son organisme, une compréhension élargie des résultats des examens biologiques, une stratégie thérapeutique qui soit repensée et adaptée à une vision plus physiologique du patient, où sa partie malade est réintégrée dans le tout.
Dans cette approche intégrative, et parce qu’elles respectent mieux la physiologie de l’individu, les plantes médicinales retrouvent une place majeure, alors qu’elles avaient été jugées moins actives et fiables que le médicament de synthèse auquel elles avaient donné naissance. Négligées par la médecine qui s’est totalement dédiée au monde du tout-synthétique, elles ne sont plus considérées par elle que comme un reliquat archaïque d’un savoir ancestral dépassé. Et pourtant, au cours des quarante dernières années, d’importants travaux ont été effectués par des médecins cliniciens de divers pays. Ils ont permis de montrer qu’à la condition qu’elles soient utilisées selon des règles très précises les plantes médicinales se présentent comme un moyen de base incontournable tant pour traiter les patients que pour permettre la mise en place d’une vraie médecine préventive.
Cette approche nouvelle – dénommée phytothérapie clinique – impose que les données de la tradition soient passées au crible des connaissances scientifiques actuelles et ainsi validées ou invalidées. Elle impose aussi que les effets des produits phytothérapiques soient ensuite confirmés par l’observation clinique attentive du patient. Seul un raisonnement médical permet en effet d’établir un diagnostic précis, puis de définir une stratégie thérapeutique qui ne se limite pas au traitement des seuls symptômes, mais qui prenne en compte l’état de l’organisme entier de la personne. Sans le respect de ces points, il ne saurait y avoir de réel suivi à même de valider la réalité des effets produits, que ces effets soient positifs ou négatifs.
Limiter le recours aux produits de synthèse A la condition qu’elles soient correctement utilisées au terme d’un diagnostic bien posé, les plantes médicinales peuvent alors répondre à une prise en charge efficace de plus de 80 % des maladies du quotidien, limitant ainsi le recours à des produits de synthèse de plus en plus coûteux et bien souvent inducteurs d’autres pathologies (maladies dites iatrogènes).
Elles permettent aussi d’aider l’organisme du patient à mieux supporter les effets négatifs des traitements lourds, lorsque ceux-ci s’imposent, à diminuer leur durée de prescription et à récupérer plus vite un meilleur état.
Quelle place alors pour les médicaments de synthèse ? Ceux-ci restent essentiellement appropriés aux cas aigus, lorsque le pronostic vital est en jeu et que l’organisme n’est plus capable de faire face par lui-même à l’intensité de l’agression que représente pour lui la maladie. Et leur usage doit être strictement limité à leurs seules indications justifiées dans un cadre nosologique précis, et non généralisé d’une façon standardisée qui ne tienne pas compte de la spécificité de chaque individu.
Devant l’incapacité des systèmes d’assurance maladie à faire face à l’explosion des dépenses, une nouvelle politique de santé qui replacerait la plante médicinale au coeur du système de soins se présente comme l’une des solutions positives à mettre en place sans délai : l’enjeu est considérable, tant sur le plan de la santé individuelle que sur celui de la santé collective, mais qui en aura le courage ?
Dr Jean-Claude Lapraz
Notes :
Le docteur Jean-Claude Lapraz est co-auteur, avec Marie Laure de Clermont-Tonnerre, du livre : “La médecine personnalisée : retrouver et garder la santé“ – paru aux éditions Odile Jacob (352 pages, 22,20 euros).
Dr J.C. Charrié 1, Dr M. Rautureau 2, Dr J.C. Lapraz 3.
Les argiles sont des matériaux bien connus, utilisés dans le domaine de la santé. Leur appartenance au monde minéral est moins connue. Ce caractère permet d’expliquer leurs propriétés qui sont pour la plupart de natures physicochimiques et de justifier leur emploi par les médecins. Les propriétés de sorptions et d’échanges sont essentielles et le plus souvent réversibles. Ces minéraux sont naturels et sont donc plutôt bien admis par le public ; leur faible prix leur confère un attrait évident. Le domaine d’emploi couvre depuis longtemps le domaine vétérinaire. Un large développement est promis à ces minéraux grâce à la connaissance actuelle de leurs modes de réaction.
Mots clés : Argiles, minéraux argileux, structures, propriétés physicochimiques.
Key words : clays, clay minerals, structures, physicochemical properties.
RÉSUMÉ :
Les argiles sont des matériaux bien connus, utilisés dans le domaine de la santé. Leur appartenance au monde minéral est moins connue. Ce caractère permet d’expliquer leurs propriétés qui sont pour la plupart de natures physicochimiques et de justifier leur emploi par les médecins. Les propriétés de sorptions et d’échanges sont essentielles et le plus souvent réversibles. Ces minéraux sont naturels et sont donc plutôt bien admis par le public ; leur faible prix leur confère un attrait évident. Le domaine d’emploi couvre depuis longtemps le do-maine vétérinaire. Un large développement est promis à ces minéraux grâce à la connaissance actuelle de leurs modes de réaction.
SUMMARY :
Clays are well-known materials, used in the field of health. Their membership in the mineral world is less known. This character makes it possible to explain their properties which are for the majority of physico-chemical nature and to justify their employment by the doctors. The sorption’s properties and of exchanges are essential and generally reversible. These minerals are natural and thus are rather well admitted by the public ; their weak price confers an obvious attraction to them. The field of application covers the veterinary field for a long time. A broad development is promised with these minerals thanks to the current knowledge of their modes of reaction.
A l’heure où les divers systèmes de santé sont dans un équilibre financier de plus en plus précaire, il n’est sans doute pas inutile pour le médecin de redécouvrir l’usage de moyens thérapeutiques d’extraction naturelle peu coûteux, tombés dans l’obsolescence, mais dont les propriétés empiriquement répertoriées n’ont pourtant jamais fait défaut. Encore faut-il que les outils utilisés dans une visée de soins le soient à bon escient. Dans ce but, repartir à leur découverte et analyser les données de la tradition au travers des avancées de la science d’au-jourd’hui sont des obligations incontournables.
Partir dans cette voie de recherche nécessite un travail rigoureux afin d’éviter les allégations d’efficacité ainsi que les croyances qui entourent souvent ces outils thérapeutiques depuis leur abandon par la médecine moderne. Aussi faut-il procéder par étapes :
- 1. définir l’objet de l’étude ;
- 2. retrouver les données issues de la tradition (recherche anthropologique, mais également dans la littéra-ture générale et scientifique) ;
- 3. utiliser les données issues de la science moderne pour conforter ou infirmer des indications, et en envi-sager de nouvelles ;
- 4. mener des expérimentations cliniques afin de valider les travaux.
Dans ce cadre, l’objectif de cet article est de rappeler les connaissances de base que nous avons sur l’argile et particulièrement sur l’illite (nom donné par la science d’aujourd’hui) composant courant de l’argile verte (nom donné par la science descriptive d’hier), disponible dans toutes les pharmacies françaises et possédant un agré-ment alimentaire.
Définition de l’argile
Il n’y a pas une, mais des argiles. Chaque argile a des propriétés qui lui sont propres. Leur point commun est d’être présentes dans des roches terreuses et de provenir essentiellement de la décomposition des feldspaths par l’eau. Elles ont pour propriétés, quand elles sont humides, d’être plastiques, et lorsqu’elles sont sèches de rester douces au toucher, de montrer une certaine cohésion et de happer à la langue (ce qui traduit leur affinité pour l’eau). Dans le langage scientifique des minéralogistes, ce sont des phyllosilicates hydratés .
Une « roche argileuse » a pour constituant principal une ou plusieurs « espèces de minéraux argileux » et souvent d’autres éléments associés tels certains micas (l’illite considérée comme argile est aussi, par certaines de ses propriétés, rattachée au groupe des micas), du quartz, du feldspath ou des oxydes par exemple. Ainsi, le kaolin qui est une « roche » est formé par de la « kaolinite » qui est un minéral argileux.
Avant d’aller plus loin, il convient de caractériser l’argile que nous étudions. La complexité du monde des argiles justifie plusieurs classifications. Les plus anciennes classent les argiles en fonction de leur lieu d’extrac-tion, puis de leurs couleurs, c’est une classification d’ordre macroscopique. En ce qui nous concerne, nous avons adopté la classification issue de leurs propriétés cristallochimiques , proposée par Caillère in « La minéralogie des argiles » ; elle correspond au schéma général actuellement adopté par le Groupe français des argiles (G.F.A.) et l’Association internationale pour l’étude des argiles (A.I.P.E.A) . Nous donnons la référence la plus récente pour la nomenclature retenue par le comité international de classification des argiles(1).
- Microcristallisés, d’une taille de l’ordre de deux micromètres ou inférieure, et de présenter une structure en feuillets empilés.
- Les empilements de feuillets peuvent n’être composés que par un seul type de feuillet d’équidistance, c’est le type « monophyllite » avec une équidistance constante entre feuillets.
- Si les empilements présentent plusieurs équidistances entre feuillets, c’est le type interstratifié.
- Les feuillets de certaines espèces peuvent être discontinus, ils sont alors nommés « pseudo-feuillets », ou même enroulés.
- La connaissance de la nature et de la composition des feuillets permet de distinguer les différentes argi-les. C’est sur cette base qu’a été constituée la classification mentionnée ci-dessus.
Du point de vue chimique, les argiles sont des silicates essentiellement d’aluminium ou de magnésium. Etant des minéraux, elles sont constituées d’ions. Les cations Si4+, Al3+ ou Mg2+ sont entourés d’anions oxygène (O2-) ou hydroxyle (OH-), ce qui favorise la formation d’un réseau cristallin structurant un feuillet plan.
L’unité construite à partir d’un cation silicium et de quatre anions oxygène constitue dans l’espace un tétraè-dre. Ces tétraèdres, associés entre eux, forment une couche plane dite couche tétraédrique (figure 1).
Par ailleurs, l’unité construite à partir d’un ion aluminium et de six anions oxygène ou hydroxyle constitue un octaèdre. De façon similaire, le regroupement des octaèdres crée une couche plane dite couche octaédrique (figure 2). Sur ce schéma on a représenté sans les distinguer des O2- et des OH-. Dans la structure des phyllosili-cates la répartition de ces ions est bien définie, comme on peut le constater sur les figures 3a et 3b.
La structure des feuillets présente une association de couches de tétraèdres et d’octaèdres dont le nombre et la composition permettent de distinguer les différentes argiles. Ces feuillets peuvent être observés grâce à la microscopie électronique. L’espace situé entre deux feuillets contigus est nommé espace interfoliaire, le paramè-tre de maille de l’argile est noté « c » sur la figure 3, il comprend l’épaisseur du feuillet et un espace interfoliaire (les ordres de grandeur pour « c », suivant le type d’argile, sont de 0,7nm / 1nm / 1,4nm). Certaines argiles peu-vent gonfler par fixation de molécules ou d’ions, ces valeurs sont des points de repère très importants, elles sont le principal indicateur de l’état de l’argile.
Voici donc pour le médecin non coutumier de l’usage de cet outil thérapeutique les premières bases d’approche de la réactivité des phyllosilicates. Son choix doit mettre en relation le diagnostic thérapeutique et les propriétés physicochimiques du minéral argileux qu’il désire utiliser. Il devra donc connaître pour le minéral argi-leux les différents points suivants :
- La nature de l’argile et ses principaux caractères ;
- Compensateurs ;
- L’existence d’impuretés non argileuses.
Dans ce cadre, nous pouvons caractériser les divers types de phyllosilicates par le nombre de couches consti-tuant leurs feuillets. Deux grandes familles se distinguent
1. Une couche tétraédrique et une couche octaédrique : il s’agit donc de feuillets à deux couches que les conventions permettent de nommer par la notation TeOc (Te pour tétraèdre ; Oc pour octaèdre) ou en-core 1:1 (une couche de chaque type). La structure modèle de ces feuillets est celle de la kaolinite, phyl-losilicate d’aluminium dont nous rappelons le schéma structural sur la figure 4.
La formule cristallochimique de la kaolinite est : (Si4)IV (Al4)VI O10 (OH)8
2. Une couche octaédrique entourée par deux couches tétraédriques : il s’agit d’un feuillet à trois cou-ches que l’on note TeOcTe ou encore 2:1. La structure modèle de ce type de feuillet est celle du talc, phyllosilicate magnésien à trois couches dont nous donnons le schéma structural sur la figure 5.
La formule du talc est : (Si8)IV (Mg6)VI O20 (OH)4
Outre ces deux types fondamentaux, il existe trois autres types dérivés des feuillets décrits ci-dessus :
- L’association régulière d’une structure de type TeOcTe avec une couche octaédrique hydroxyde TeOcTe-Oc dont la famille est celle des chlorites (figure 6).
- Une structure un peu plus complexe résultant de la mise en quinconce de rubans issus de feuillets TeOcTe. On nomme ces minéraux comme étant composés par des pseudo-feuillets dont la morphologie est fibreuse. C’est le modèle est la sépiolite (figure 7) qui présente des canaux dans sa structure.
- Une structure à feuillets TeOc enroulés. Nous ne pouvons pas laisser en dehors de notre description ce type de phyllosilicate, car c’est le modèle du chrysotile (figure 8) qui est un composant important de l’amiante (nom d’un matériau commercialisé industriellement rendu célèbre par sa dangerosité pour la santé).
Les phyllosilicates sont des microcristaux, la neutralité électrique est nécessaire pour établir une formule cristallo-chimique représentative de la nature de l’organisation interne des minéraux. La couche octaédrique idéale contient un nombre de cations, situés aux centres des octaèdres, dont la charge électrique, pour une demi-maille cristalline, est strictement égale à 6 charges positives réparties sur trois sites. Les octaèdres peuvent être formés autour d’ions diva-lents (par exemple Mg2+, Fe2+…) mais aussi d’ions trivalents (par exemple Al3+, Fe3+…).
Prenons l’exemple des minéraux argileux à trois couches (TeOcTe) dont les représentations sont données sur la fi-gure 9 :
- dans le cas magnésium qui est divalent, les trois sites octaédriques existant dans une demi-maille sont remplis pour obtenir l’équilibre des charges, le minéral est nommé trioctaédrique, c’est le cas typique du talc ;
- en revanche, dans le cas de l’aluminium, 2 ions Al3+ suffisent pour satisfaire la contrainte d’équilibre des char-ges, c’est le cas typique de la montmorillonite : ce minéral est nommé dioctaédrique. Dans ce cas, seuls 2 oc-taèdres étant occupés, il subsiste une lacune (les ions oxygène qui forment cet octaèdre n’entourent aucun ion positif). Malgré un bilan de charges électriques à l’équilibre, cette vacance est la cause d’une dissymétrie de potentiel responsable de nombreuses propriétés de fixations d’atomes ou de molécules extérieurs au feuillet, re-lativement mobiles donc échangeables.
Nous présentons les mêmes cas pour les feuillets TeOc sur la figure 10
Toutefois, dans la nature, les argiles sont le plus souvent issues de la dégradation des roches silicatées. En conséquence, elles sont porteuses de nombreux défauts de structure dont certains ne respectent pas l’équilibre électri-que ; par exemple, on peut rencontrer, dans une même demi-maille, en positions octaédriques, un ion magnésium et un ion aluminium ce qui fait cinq charges au lieu de six. L’équilibre n’est pas atteint, le minéral retrouve alors la neutralité en fixant entre les feuillets (dans l’espace interfoliaire) un ion qui apporte la charge nécessaire (par exemple, un ion sodium). On aura dans ce cas une argile nommée, pour plus de clarté, montmorillonite-Na ou encore montmorillonite-sodique lorsque toutes les compensations sont réalisées uniquement à l’aide d’ions sodium, ce qui est rarement le cas pour une argile en situation naturelle.
La position des défauts dans la structure permet de justifier l’importance de leur action. Dans un minéral 2:1, s’ils se trouvent dans la couche octaédrique, donc au cœur du feuillet du minéral, leur effet est écranté (c’est-à-dire atténué) par les deux couches tétraédriques, l’action est relativement douce. Par contre, une anomalie de charge située dans une des deux couches tétraédriques a une influence électrostatique à l’extérieur du feuillet beaucoup plus forte puisque moins écrantée.
On peut, après avoir posé ces quelques fondements, développer l’essentiel des propriétés des argiles. L’argile que nous proposons d’étudier dans l’article suivant est une argile « dite verte » de type TeOcTe composée essentielle-ment d’illite .
La formule générale est la suivante : (Si4-x Alx) O10 (Al2) (OH) 2 Kx avec x voisin de 0,5.
L’illite est une argile dioctaédrique à feuillets continus, composés de trois couches (TeOcTe), l’équidistance entre les feuillets est stable et voisine de 1 nm. Les charges tétraédriques sont déficitaires et les charges octaédriques équilibrées.
L’illite présente, en général, de très petites cristallites qui lui confèrent une surface spécifique importante et une capacité réactionnelle physicochimique des plus intéressantes sur le plan thérapeutique. La grande diversité des condi-tions de formation conduit à des faciès variés qui pourraient justifier les nombreuses applications déjà connues pour ce phyllosilicate. Nous donnons en illustrations (figures 11 et 12) deux faciès très distincts du même minéral argileux, l’illite. Ces images permettent de comprendre que l’identification de ces minéraux n’est jamais simple et doit être me-née par des spécialistes cristallographes exploitant la convergence d’un ensemble de résultats obtenus sur la base de techniques très variées.
L’emploi de l’illite s’est progressivement imposé en dermatologie sur la base de ses propriétés, par exemple :
1. captation très puissante des odeurs ;
2. utilisation sous forme de pansements hydratants ;
3. pansements souples étanches (barrières antimicrobiennes) ;
4. adsorption et entraînement de microorganismes ;
5. transferts et échanges de molécules contrôlables ;
6. produit naturel à forte résonance psychothérapeutique ;
7. faible coût de revient.
En conclusion :
En conclusion, l’intérêt d’une telle recherche est de revaloriser, grâce à une approche scientifique co-hérente, l’usage médical de telles thérapeutiques, peu coûteuses et ayant fait la preuve d’une innocuité parti-culière, évaluée parfois sur plusieurs siècles. Elles ont leur place dans l’arsenal thérapeutique du médecin d’aujourd’hui, mais leurs possibilités et leurs limites doivent être parfaitement connues, afin d’optimiser leur prescription et d’améliorer leur performance. En général bien tolérées aux doses usuelles d’usage , les utiliser en première intention devrait permettre de soulager et d’améliorer le confort de vie d’un grand nombre de patients en diminuant le risque iatrogène, mais aussi le coût financier pour la collectivité. De plus, ce sont souvent des outils de choix pour la prise en charge des soins primaires, et ils peuvent facilement faire partie du conseil pharmaceutique si le pharmacien s’est suffisamment formé dans ce domaine.
Références :
Cette courte bibliographie générale permet l’accès à une très large documentation :
- Guggenheim S et al., 2006. Summary of recommendations of nomenclature committees relevant to clay mineralogy : report of AIPEA for 2006, Clays Minerals, 41 : 863-877.
- Handbook of clay science, 2006. Editors Bergaya F et al., Elsevier, 1.
- Rautureau M, Caillère S, Hénin S. 2004. Les argiles, 2e édition, La Société des Industries Minérales (SIM), Paris.
- Rautureau M, 2010. Argiles et santé, Lavoisier, EMInter.
N.B. : les schémas sont issus de l’ouvrage « Les argiles ».
Les auteurs remercient J. Duplay, G. Ehret et N. Liewig pour leur contribution à l’illustration de cette présen-tation, ainsi que K. Guellil pour sa participation à la présentation.
Notes :
1 Feldspath : silicate double d’aluminium et d’un métal alcalin ou alcalinoterreux qui se présente en cristaux de faible colo-ration. Le feldspath entre dans la constitution d’un grand nombre de roches primitives (granite, diorite, porphyre, basalte…), Rey A., in « Dictionnaire culturel en langue Française », Le Robert, Paris, 2005.
2 Les minéraux argileux sont plus correctement décrits par le terme « phyllosilicates hydratés » qui signifie « silicates composés par des feuillets, contenant de l’eau ou des groupes hydroxyles ». On peut ajouter le qualificatif microcristallisés qui complète cette description.
3 Qui prennent en compte la composition chimique et la disposition des ions.4 G.F.A. : http://www.gfa.asso.fr/
A.I.P.E.A. : http://www.aipea.org/
5 La notation (Si)IV signifie que l’ion Si a une coordinence 4 et se trouve au centre d’un tétraèdre. De même pour (Al)VI qui signifie que l’ion Al est de coordinence 6 et se trouve en situation octaédrique.
6 La maille cristalline définit l’unité minimale nécessaire pour représenter la formule du minéral compte-tenu de son caractère cristallisé. Pour tous les phyllosilicates, les symétries permettent de ne prendre en compte qu’une demi-maille. Les lecteurs pourront aisément repérer les demi-mailles sur les figures 9 et 10. En chimie traditionnelle, c’est la molécule qui serait prise en compte.
Pour les phyllosilicates, qui sont toujours cristallisés, c’est la notion de maille qui doit être retenue. Cette maille est repérée dans le plan des feuil-lets, sur les figures 9 et 10 par les symboles « a » et « b », elle représente la fraction du cristal qui est prise en compte pour le définir totalement. Pour l’ensemble des phyllosilicates, les paramètres sont peu différents de a = 0,51 à 0,53 nm et b = 0,89 à 0,91 nm.
La répétition de la maille dans l’espace permet de reconstruire le cristal. Nous exprimons ainsi une banalité toutefois très importante : par rapport à cette maille, compte-tenu de la symétrie dans la disposition des éléments chimiques il est possible de ne prendre en compte qu’une demi-maille. Sur la figure 9, on repèrera ces charges à l’intérieur de l’hexagone central dans le rectangle représentant la maille.7 Le terme « illite » a été proposé par Grim pour caractériser les minéraux argileux di ou trioctaédriques de type mica. Ce nom est aujourd’hui réservé aux dioctaédriques. Voir : Grim R.E., Clay Mineralogy, New York, 1953, 372p.
8 Nous excluons les phyllosilicates fibreux (sépiolite et palygorskite) et d’une façon absolue le chrysotile qui est un des composants de l’amiante.
Par les Dr J.C. Charrié 1, M. Rautureau 2, Dr J.C. Lapraz 3.
Le clinicien trouvera dans cet article les diverses utilisations possibles de l’argile en fonction des différents stades de la prise en charge des plaies chronique, ainsi que les justifications scientifiques de cet usage. Le praticien pourra ainsi enrichir sa pratique en apportant au patient des soins d’excellence, faciles d’usage et pouvant contribuer à la limitation des dépenses de santé publique.
Mots clés : Argiles, minéraux argileux, plaie chronique, escarre, ulcère de jambe, milieu humide.
Key words : clays, clay minerals, chronic wound, scab, ulcer of leg, moist environment.
RÉSUMÉ :
Après un premier article de présentation générale des argiles, celui-ci s’adressera plus particulièrement au clinicien qui trouvera ici les diverses utilisations possibles de l’argile en fonction des différents stades de la prise en charge des plaies chronique, ainsi que les justifications scientifiques de cet usage. Le praticien pourra ainsi enrichir sa pratique en apportant au patient des soins d’excellence, faciles d’usage et pouvant contribuer à la limitation des dépenses de santé publique.
ABSTRACT :
After an initial overview section of clay, this one will target specifically the clinician who will find here the various possible uses of clay for the different stages of treatment of chronic wounds, as well as the scientific justification of this use. In this way the practitioner may enrich his practice by providing to the patient care of excellence, easy to use and being able to contribute to the limitation of public health expenditure.
L’usage empirique de l’argile dans le soin des plaies chroniques est connu depuis toujours (3). Dans le but de confirmer ou d’infirmer la véracité des résultats rapportés par la tradition, des chercheurs fondamentalistes et des médecins cliniciens ont mis en place depuis plusieurs années des travaux ainsi que des recherches cliniques. Les résultats qu’ils ont pu constater, et qui répondent aux critères de la science actuelle, justifient pleinement, comme nous le verrons, la réintroduction dans l’arsenal thérapeutique de l’usage de produits d’extraction naturelle, abandonnés par méconnaissance de la réalité de leurs effets.
Une présentation générale des argiles permettant de connaître l’origine de leurs propriétés a été faite dans un article préliminaire.
Une telle stratégie nous semble nécessaire car, peu onéreuse, elle permet de limiter les coûts de la santé publique dans les pays riches, et aux pays en voie de développement d’accéder de façon raisonnable à des traitements financièrement abordables. Elle s’inscrit pleinement dans les recommandations de la Conférence de consensus de l’ANAES (Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé ) sur la prévention et le traitement des escarres, qui conclut ainsi : « Le jury tient à attirer l’attention sur la faiblesse quantitative et qualitative des études et recherches portant sur les escarres. Des informations d’un niveau de preuve suffisant concernant l’évaluation, la prévention et le traitement des escarres manquent. Il est recommandé de favoriser les études et la recherche sur ces thèmes ».
Nous aborderons l’approche clinique de la plaie chronique constituée et de son traitement local, sans préjuger des mécanismes d’amont (pathologies artérielles), ou d’aval (pathologie veino-lymphatique) ou généraux (dénutrition protéique, diabète, grabatisation…) impliqués dans l’affection.
Selon les conclusions de la Conférence, le lavage de référence de la plaie doit se faire au sérum physiologique et la plaie ne doit pas être asséchée. Il faut protéger la peau des macérations. Et dans l’escarre constituée, les trois temps essentiels permettant la relance du bourgeonnement puis de l’épithélialisation sont successivement : l’élimination des tissus nécrosés, le contrôle des exsudats ainsi que du pullulement bactérien dont la présence maîtrisée est un garant de la bonne évolution de la plaie. Nous allons développer le rôle de l’argile sur ces différents paramètres.
1. Nettoyage d’une plaie :
L’ANAES conseille le recours au sérum physiologique, toutefois – à condition qu’elle soit potable – l’eau du robinet peut suffire. Néanmoins il existe des régions du monde où, du fait de sa rareté, l’accès à l’eau potable reste difficile. Réservée à la boisson ou à l’alimentation, elle ne pourrait être utilisée pour nettoyer les plaies. Cependant, un tel écueil peut être évité car l’argile est à même d’assainir les eaux non potables. En effet, elle est dotée de propriétés à même d’assurer un tel usage :
- Les propriétés d’adsorption et d’absorption de l’argile sont les principales raisons de ses propriétés de purification. Les feuillets d’argile sont constitués d’éléments chimiques à l’état d’ions, l’équilibre électrique implique la neutralité des charges présentes dans sa structure. Les argiles sont par ailleurs des phyllosilicates microcristallisés. Tout écart à la composition (en général dû à des substitutions ioniques hétérovalentes ou à l’existence des importantes surfaces développées par les particules d’argile), impose une compensation par des charges électriques qui sont apportées par des ions, dits compensateurs, venant du milieu extérieur à l’argile. La mise en suspension d’argile dans de l’eau facilite la mise en œuvre du mécanisme d’échange de ces ions, permettant ainsi de piéger un bon nombre d’ions ou de molécules indésirables.
- Les dimensions des particules d’argile, constituées par l’empilement de feuillets très fins (épaisseur de l’ordre du nanomètre) et limitées dans leurs plans à quelques micromètres, leur confèrent de nombreuses propriétés. Mises en suspension dans l’eau, elles offrent ainsi une importante surface active par absorption et adsorption. En fixant alors des ions, des molécules polaires ou de très petits objets (microorganismes en particulier), elles assurent ensuite par décantation très lente, l’entraînement des impuretés indésirables d’une eau polluée.
- Filtration sur sable associé à l’argile, cette méthode, toujours utilisée, a permis de rendre potable l’eau des grandes villes au XVIIIe siècle et d’éradiquer des maladies dévastatrices comme le choléra.
L’argile que nous utilisons dans notre pratique est fournie par la société ARGILETZ. Nous l’avons sélectionnée parce qu’elle bénéficie d’un agrément alimentaire . Des recherches effectuées par cette société ont démontré une diminution de 92,3% (1) du nombre de micro-organismes par rapport au nombre contenu dans la solution initiale entre le 3ème et le 5ème ajout de 25g d’argile dans une solution de 500 ml d’eau distillée dans laquelle on avait versé 1 ml d’une solution microbienne titrée à 109 bactéries/ml.
Il convient d’utiliser le surnageant d’argile obtenu de la façon suivante : verser une quantité d’argile dans un récipient d’eau (l’usage va de 1 cuillère à café pour un verre d’eau d’apparence propre jusqu’à 90 g d’argile pour un litre d’eau à purifier). Agiter puis laisser décanter au moins 4 heures afin de permettre une hydratation complète de l’argile qui provoque l’ouverture des feuillets et la captation par ces derniers des toxines et bactéries rendant l’eau insalubre. Ensuite, après décantation, le liquide surnageant peut être utilisé pour laver les plaies.
2. Protection de la macération, contrôle des exsudats, hydratation de la plaie
Nous savons depuis 1962 (4) que la cicatrisation se fait en milieu humide. Ainsi, depuis cette époque, toute la recherche sur les pansements s’est efforcée de trouver des solutions permettant de maintenir l’humidité dans la plaie. Mais, on sait aussi, que la peau saine en périphérie ne doit pas macérer du fait de l’humidité ambiante, car cela la fragilise et peut favoriser l’extension de la plaie de proche en proche.
2.1. Il est donc important de maîtriser la macération sur la périphérie des plaies. Pour éviter cette macération, il est souvent nécessaire de recourir à un pansement dont la propriété absorbante de l’exsudat est recherchée. Actuellement, les hydrofibres, les hydrocellulaires et les alginates sont recommandés dans cette indication (ANAES) car ils permettent une absorption verticale, tout en maintenant la plaie dans un milieu humide. L’argile, bien utilisée, peut aussi répondre à ces exigences car avec sa capacité d’hydratation et de retenue de l’eau, elle peut réguler les exsudats tout en maintenant humide le contact avec la plaie.
Deux types d’argiles peuvent convenir. La plus connue est le talc, une argile blanche, que l’on utilise couramment associé à du glycérol et à de l’oxyde de zinc dans une préparation appelé « Pâte à l’eau ». Toutefois, une argile à forte concentration d’illite peut, sous forme de pâte, être également utilisée pour réduire la macération.
Rappelons que l’action de l’argile est la conséquence de diverses propriétés liées à la nature de sa structure cristalline. Le terme argile désigne des matériaux dont le caractère commun est d’être des phyllosilicates hydratés (c’est-à-dire des minéraux silicatés composés de feuillets contenant de l’eau ou des hydroxyles). Leur caractère microcristallisé leur confère des caractéristiques de surface qui conditionnent la plupart de leurs propriétés. La notion de surface est celle de la limite des particules. Ainsi, il existe des faces extérieures planes des particules mais également celles de leurs bords. Les faces planes externes peuvent adsorber des entités diverses (ions, molécules, microorganismes…). Les bords des feuillets présentent des liaisons ioniques non satisfaites, elles se saturent par fixation en général de H+ ou de OH-,mais aussi en fonction de nombreuses autres opportunités locales.
Par ailleurs, les particules étant formées par des feuillets empilés, il existe une seconde famille de surfaces situées entre les feuillets, non accessibles directement de l’extérieur mais seulement après un mécanisme « d’ouverture des feuillets ». C’est ce mécanisme qui entre en jeu lors de l’hydratation des argiles qui, en absorbant de l’eau entre les feuillets, peuvent gonfler. Le mécanisme inverse existe et la déshydratation d’une argile primitivement hydratée conduit à un retrait connu, par exemple, par le craquèlement des sols argileux.
Enfin, il ne faut pas négliger le phénomène d’adhérence qui permet à de très petites particules (quelques nanomètres, telles que des oxydes par exemple) de « coller » sur des surfaces. Des particules d’argile peuvent elles-mêmes adhérer sur des objets plus gros, tels que des microorganismes ou des membranes cellulaires.
Tous ces mécanismes sont éminemment d’ordre physicochimique. Un des moteurs essentiels est celui de l’action des ions de substitution et des ions compensateurs interfoliaires.
A ce point de vue, il faut bien distinguer l’eau d’hydratation des cations interfoliaires qui est liée et l’eau interparticulaire qui est peu liée et qui par chauffage léger peut se dégager assez rapidement de l’argile (une terre argileuse et l’argile sèchent naturellement en se craquelant). L’eau d’hydratation des cations ne se libère de l’argile que par chauffage plus important, au-dessus de 105°C, mais elle peut être mobilisée lors des processus d’échange. Suivant le type d’argile (nature du feuillet et des ions interfoliaires), les situations sont très diverses ; néanmoins elles ont été largement étudiées par les spécialistes des argiles et ces résultats sont exploitables sous la forme de courbes d’isothermes d’absorption.
2.2. Il est également important de maintenir au sein de la plaie, comme l’a démontré Winter, un milieu chaud, humide et pauvre en O2. L’argile peut contribuer à favoriser ce milieu pour les raisons suivantes.
La capacité calorifique d’un mélange eau-argile est importante. La réserve thermique est lente à se dissiper du fait de la présence de l’eau, mais aussi à cause de la rétention de l’eau qui ne peut s’évaporer facilement, la pâte étant imperméable. Les interactions entre l’argile et la zone d’application sont souvent exothermes, ce qui justifie la sensation de chaleur perçue par le patient. Il convient d’être très prudent sur ce point afin de ne pas trop « chauffer » la zone d’application, et donc d’appliquer la pâte d’argile à température ambiante.
Le cataplasme d’argile, par sa face en contact avec l’air ambiant, peut se déshydrater et perdre les propriétés importantes pour son action thérapeutique. On évite cette déshydratation en plaçant un film semi perméable du type Opsite®, Flexifix® ou Tégaderm®, voire un film de cellophane de cuisine, sur la face externe du cataplasme, ou bien en incorporant des huiles (dont les propriétés physico-chimiques sont adaptées à l’emploi de l’argile et au but proposé ) dans le cataplasme, ce qui a également pour objectif de maintenir sa plasticité. L’utilisation d’huiles doit être parfaitement maîtrisée, certaines d’entre elles provoquant une polymérisation sévère du mélange argile-huile (huile de paraffine, par exemple).
Ainsi, comme nous venons de le citer, l’argile mal utilisée peut déshydrater la plaie et s’asséchant également devenir trop dure, et devenir douloureuse au retrait. Il convient donc de bien maîtriser son usage. Au sens de la physique, l’argile hydratée présente trois états de comportements distincts vis-à-vis de son état : fluide, plastique et solide. Il est hors de propos de développer ces notions dans le cadre de cet article, mais l’essentiel est là. Nous décrivons ainsi des « limites physiques » et des « frontières d’états physiques », entre les deux se situe le savoir-faire et le domaine de la recherche fondamentale.
3. Élimination des tissus nécrosés
Cette étape est primordiale pour l’accélération de la bonne évolution de la plaie, mais également pour maîtriser les mauvaises odeurs ainsi que le risque d’infection. En effet, les tissus en phase de nécrose sont riches en bactéries et en phénomènes réactionnels biochimiques créateurs de « mauvaises odeurs ».
Pourquoi l’argile est-elle intéressante pour la détersion et le ramollissement des tissus nécrosés ? L’objectif à atteindre consiste à ramollir la nécrose et, dans un même temps, accélérer l’apparition du sillon d’élimination. Il est alors facile, par la suite, à l’aide d’une pince et d’un bistouri d’éliminer les tissus mortifères de façon non-algique. La détersion se fait naturellement en trois semaines en moyenne, mais elle produit des tissus putrides, véritable bouillon de culture bactérien et source d’odeurs nauséabondes liées entre autres à la production de cadavérine [NH2(CH2)5NH2].
Actuellement, les thérapeutiques à action enzymatique protéolytique sont délaissées et devraient être remplacées par les hydrogels (pour les nécroses sèches) ou les alginates (pour les nécroses humides) [ANAES]. Cliniquement, l’usage de l’argile présente un intérêt certain dans cette phase avec obtention d’une détersion atraumatique en moins d’une semaine en moyenne, et une très bonne maîtrise des odeurs (expérience personnelle).
On retrouve deux acteurs qui ont des propriétés physiques et chimiques similaires, sur certains points, à celles des argiles : hydrogels et alginates. Une propriété commune est celle de la gélification, elle implique un schéma d’interconnexion entre molécules pour les hydrogels et les alginates et entre particules et eau pour les argiles. L’argile possède néanmoins l’avantage d’avoir des réactions d’échanges réversibles. Ainsi, sa déshydratation peut avoir lieu par perte de l’eau interfoliaire d’hydratation des cations compensateurs, sans autre modification, cette étape stabilise un état qui paraît suffisant pour enclencher des variations suffisantes lors d’interventions sur des tissus nécrosés, par exemple.
4. Élimination de la fibrine
Dans les plaies chroniques de type ulcère de jambe, la détersion concerne essentiellement l’élimination de la fibrine qui se dépose dans le fond de la plaie et qui crée en quelque sorte une cicatrisation d’urgence. Mais cette fibrine a pour principal défaut d’augmenter l’hypoxie locale et de bloquer les processus de cicatrisation. Elle favorise également la création d’un biofilm qui renferme de nombreux germes devenant ainsi inaccessibles à toute antibiothérapie et aux antiseptiques. Il convient donc, afin de lutter contre la chronicisation et la surinfection de la plaie, de déterger la fibrine. L’argile peut également présenter un intérêt ici pour les mêmes raisons que celles que nous avons développées dans l’élimination des nécroses.
5. Contrôle du pullulement bactérien
Dans les plaies chroniques de type ulcère de jambe, la détersion concerne essentiellement l’élimination de la fibrine qui se dépose dans le fond de la plaie et qui crée en quelque sorte une cicatrisation d’urgence. Mais cette fibrine a pour principal défaut d’augmenter l’hypoxie locale et de bloquer les processus de cicatrisation. Elle favorise également la création d’un biofilm qui renferme de nombreux germes devenant ainsi inaccessibles à toute antibiothérapie et aux antiseptiques. Il convient donc, afin de lutter contre la chronicisation et la surinfection de la plaie, de déterger la fibrine. L’argile peut également présenter un intérêt ici pour les mêmes raisons que celles que nous avons développées dans l’élimination des nécroses.
Par la détersion, on élimine une quantité importante de bactéries et de molécules malodorantes. C’est par cette action indirecte que l’argile présente un intérêt dans la gestion du pullulement bactérien et des odeurs.
L’argile présente également ici un intérêt direct pour les raisons suivantes :
5.1. Effet barrière :
la mise en place d’argile sur une plaie forme un cataplasme continu. Ce cataplasme est facilement déformable lors de son application et reste ensuite souple si des tensions s’exercent du fait de contacts déformants ou de contraintes nouvelles lors des mouvements inévitables du patient. Les particules d’argile formées de feuillets ont la propriété de plasticité, c’est-à-dire qu’elles peuvent se déformer sans rupture et rester dans la forme imposée après la cessation de tout effort (par opposition à une barbotine qui coule sous l’effet de son propre poids). Cette plasticité est due à l’orientation parallèle des particules et aux faibles forces qui les relient les unes aux autres. Etant hydratée, la pâte n’a plus de porosité hétérogène (porosité contenant de l’air, par exemple). La combinaison de ces deux propriétés rend la pâte étanche à tout transfert de fluide et, en particulier, à l’oxygène de l’air, isolant ainsi les microorganismes. Cet effet est nommé « effet barrière », il est bien connu en hydrologie que les couches d’argiles permettent la création dans le sol de nappes phréatiques.
5.2. Maîtrise des odeurs:
Rappelons que pour qu’une substance possède des propriétés odorantes, il faut qu’elle ait un poids moléculaire modéré, une polarité faible, une certaine solubilité dans l’eau, une pression de vapeur et un caractère lipophile élevés (2).
L’argile, comme le fait le charbon, a également des propriétés lui permettant de capter les odeurs. Les mécanismes sont quelque peu différents, mais dans les deux cas ils font appel à la grande surface des matériaux mis en cause où s’adsorbent les molécules des gaz odorifères. Par ailleurs, pour l’argile, l’effet barrière met en jeu la loi d’action de masse : par confinement temporaire, la source d’odeur ne fonctionne plus correctement et le processus se ralentit. La fixation des molécules odorifères par adsorption sur l’argile maîtrise leur effet et le renouvellement de l’argile permet de les éliminer en même temps que les microorganismes responsables. Ce piégeage des molécules odorantes joue un grand rôle pour le patient lui-même et sa famille, ainsi que dans la disponibilité des soignants.
6. Transport et relargage d’autres principes actifs associés
Il est parfois utile de profiter du pansement comme d’un véhicule pour apporter à la plaie des principes actifs ayant un intérêt (parfois discuté) pour la traiter. De nouveaux produits arrivent sur le marché, les uns apportant un principe actif anti-infectieux, d’autres des anti-inflammatoires, en maintenant des molécules sensées « booster » la cicatrisation. Par ces propriétés, l’argile peut servir de réservoir à certains principes actifs et les rendre utiles pour la plaie. Certaines autres thérapeutiques d’extraction naturelle s’associent de façon satisfaisante avec l’argile, permettant par leur synergie de potentialiser leurs effets thérapeutiques. Il en est ainsi pour deux spécialités dont nous avons l’usage, Escargil® qui est une association d’argile riche en illite, de gel d’Aloès et d’huiles essentielles de Rosmarinus off., lavadula off. et Eugenia caryophylata et Actrys® qui comprend de l’argile, du miel, de la cire d’abeille et des huiles riches en acides gras essentiels (oméga 3, 6 et 9).
L’argile retient les divers adjuvants qu’on lui associe grâce à ses propriétés d’adsorption et d’absorption auxquelles il convient d’ajouter le mécanisme de compensation des charges issues des substitutions hétérovalentes des atomes de l’argile. Dans une situation stable, ces diverses propriétés conduisent à un équilibre. Celui-ci devient précaire en présence d’un milieu d’application tel que la surface support constitué par le membre à traiter. La loi d’action de masse justifie l’évolution de l’équilibre qui devient alors dynamique et permet l’apport des ions ou molécules concernées à ces différents tissus par des mécanismes d’échange ou de transfert. Le rôle essentiel de l’argile est de permettre le transport et le relargage des produits qu’on lui a délibérément associés.
Au terme de cet article, nous avons tenté de montrer et de justifier l’intérêt de recourir à l’argile pour le soin des plaies en dermatologie. Nous avons illustré cet intérêt dans nos ouvrages respectifs (1, 3, 5). Compte tenu de l’enjeu thérapeutique mis en évidence, nous souhaitons vivement que les recherches sur ce sujet se poursuivent et que l’usage médical de l’argile se développe.
Références
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- Meierhenrich U.J., Golebiowski J., Fernandez X. et Cabrol-Bass D. : De la molécule à l’odeur, les bases moléculaires des premières étapes de l’olfaction. L’actualité chimique, 2005, 289, p. 29 – 40.
- Rautureau M., Liewig N., Gomes C., Katouzian-Safadi M. Argiles et santé, Paris, Lavoisier, collection Editions Médicales Internationales, 2010.
- Winter G.D. Formation of scab and rate of epithelialization of superficial wounds in the skin of the young domestic pig. Nature, 1962, 193, p. 293-294.
- Duraffourd C., Lapraz J.C., Traité de phytothérapie
Notes
- Dr J.C. Charrié 1 : Docteur en Médecine, Dipl. Univ. Plaies et Cicatrisation, Société Internationale de Médecine Endobiogénique et de Physiologie Intégrative (SIMEPI).
- M. Rautureau : Docteur es sciences physiques, Université d’Orléans.
- Dr J.C. Lapraz : Docteur en Médecine, Société Internationale de Médecine Endobiogénique et de Physiologie Intégrative (SIMEPI).
Par le Ph. Christine Cieur et le Dr. Alain Carillon
La plante médicinale est composée de milliers de substances. Chacune d’entre elles est présente en quantité variable (souvent faible). Parmi tous les principes actifs (PA), il est souvent difficile de mettre en évidence les plus essentiels, mais deux caractéristiques sont à souligner…
Introduction
Pendant de nombreux siècles la plante médicinale a constitué le principal outil thérapeutique disponible. Pour les Anciens, la plante représentait bien plus que cela : un microcosme vivant placé au sein d’un macrocosme. Ils ont, très tôt, grâce à cette vision holistique, conceptualisé la notion de « globalité » tant sur l’approche physiologique de l’individu que pour celle du produit thérapeutique lui-même, ici, la Plante Médicinale (PM).
« Le tout est plus grand que la somme des parties » est la règle fondamentale énoncée par Ibn Sîna, plus connu sous le nom d’Avicenne (980-1037). Ainsi, l’homme est un tout, doté d’un « tempérament » unique et particulier qui n’est pas la résultante de la somme des composantes de cet individu. Même constat pour la plante médicinale : l’action thérapeutique de la plante entière diffère de celle de ses principes actifs isolés. Le « Totum », qui se définit comme « l’ensemble des molécules actives de la partie de plante utilisée », répond à ce grand principe(1)(2).
Notion pharmacologique de "Totum"
La plante médicinale est composée de milliers de substances. Chacune d’entre elles est présente en quantité variable (souvent faible). Parmi tous les principes actifs (PA), il est souvent difficile de mettre en évidence les plus essentiels, mais deux caractéristiques sont à souligner :
- chaque PA est accompagné de ses précurseurs et de ses métabolites, qui d’ailleurs peuvent être également actifs.
- chaque PA coexiste avec d’autres PA mais aussi avec tous les autres constituants de la plante : ces derniers et les métabolites primaires (*) de la plante se révèlent souvent indispensables en intervenant par exemple dans les réactions enzymatiques.
Cette notion de métabolite actif et de prodrogue, nous parait capitale, car elle renvoie de fait, à l’organisme dans lequel se fera cette transformation pharmacologique de la substance initiale, et donc à la qualité spécifique de la fonctionnalité physiologique de l’individu concerné (voir 3-2).
Pris isolément, chaque PA ne possède souvent qu’un effet faible ou limité. En revanche, la complémentarité des constituants de la PM manifeste l’activité pharmacologique résultante du « Totum ». Celle-ci s’explique par les effets conjugués et variables de synergie, potentialisation (et parfois même d’antagonisme) de l’ensemble des principes actifs ainsi que de leurs biodisponibilités respectives(3)(4)(5). La vision systémique de la biologie, qui s’intègre dans la nouvelle interprétation scientifique des systèmes vivants, met en lumière une notion fondamentale : à chaque niveau de complexité (le « totum »), les phénomènes observés révèlent des propriétés qui n’existent pas à un niveau inférieur (les principes actifs isolés). Le « tout » est bien plus que la somme des parties ! Les exemples suivants illustrent ces propriétés remarquables(6).
A savoir :
(*) les métabolites primaires participent directement à la fonction basale et vitale de la structure de la cellule végétale, son développement, sa reproduction. Leur présence est qualitativement et quantitativement relativement constante pour une même espèce. Ces métabolites principaux sont la caractéristique chimique et spécifique de l’espèce donnée. La présence des métabolites secondaires varient quantitativement en fonction de la particularité de l’écosystème dans lequel se trouve la plante. Ils jouent un rôle principal dans l’adaptation environnementale du végétal.
Synergie et Potentialisation de l’action thérapeutique
Synergie et potentialisation sont fréquemment observés en présence du « totum » d’un extrait végétal.
Grâce aux avancées scientifiques contemporaines, des modélisations mathématiques (que nous ne développons pas ici), portant notamment sur l’amplitude, la cinétique et la chronologie de la réponse synergique au sein de la cellule ont permis de confirmer l’empirisme des Anciens et de valider les observations cliniques de la synergie.
Ces études ont d’abord prouvé que la synergie représente un moyen efficace d’augmenter l’amplitude de la réponse cellulaire induite par un niveau bas de stimulation. Elles montrent également que le degré de synergie dépend d’une part de la dose totale (de la drogue) et d’autre part de la quantité proportionnelle de chaque principe actif mais qu’elle est, en revanche, indépendante de la puissance relative de chaque agoniste(7).
Exemple de la Fumeterre, Fumaria officinalis L. (Fumariaceae)(8)(9)
- Partie médicinale : partie aérienne fleurie
- Composition chimique simplifiée : plusieurs groupes de principes actifs :
Alcaloïdes (protopine, fumaricine, fumariline, sanguinarine..), Flavonoïdes, Acides organiques (fumarique, malique, succinique..), Acides phénols (acides chlorogénique, caféique…), Sels de potassium… - Les propriétés amphocholérétiques (entre autres) de la fumeterre sont bien connues, mais celles-ci ne s’expriment qu’en présence de la totalité des principes actifs, c’est-à-dire le « totum » de la partie médicinale de la plante. Aucune action hépatovésiculaire n’est observée lorsque les composants chimiques sont pris isolément (10) D’une part, on observe une synergie entre les différents constituants d’un même groupe et d’autre part, la potentialisation des effets, grâce à la complémentarité d’action des différents groupes entre eux.
Exemple de l’Eschscholtzia, Eschscholzia californica Cham (Papaveraceae)
- Partie médicinale : parties aériennes récoltées à la fin de la floraison
- Composition chimique simplifiée : très nombreux alcaloïdes en faible quantité (0,5%), appartenant à divers groupes : pavine (californidine, eschscholtzine…), protoberbérine, benzyltétrahydroisoquinoléine, apomorphine, protopine et benzophénanthridine, associés à des flavonoïdes, phytostérols, caroténoïdes (8) (11).
- L’effet sédatif, anxiolytique et inducteur de sommeil a été démontré à plusieurs reprises. Les mécanismes mis en jeu sont multiples : modulation du taux de catécholamines, augmentation de la liaison de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) aux récepteurs du GABA, ou encore, liaison aux récepteurs des benzodiazépines. Pour autant, là encore, l’activité thérapeutique optimale est toujours obtenue avec l’extrait « totum » du végétal. Chez la souris, les alcaloïdes isolés, administrés seuls, sont inactifs ou très peu actifs (12)(13).
Modulation "positive" de l’activité thérapeutique
La modulation « positive » de l’effet thérapeutique éclaire un autre aspect des interrelations existantes entre les différents principes actifs, au sein de l’organisme :
Exemple de l’Opium, latex fourni par l’incision des capsules encore vertes de Papaver somniferum (Papaveraceae).
L’opium contient de nombreux alcaloïdes (10-20%) dont le principal est la morphine. Celle-ci est analgésique, hypnotique et dépresseur respiratoire. La thébaïne est quant à elle, excitante tandis que la papavérine et la noscapine atténuent l’action dépressive respiratoire de la morphine. Ainsi, les effets pharmacologiques de la morphine sont modulés par l’ensemble des alcaloïdes présents et confèrent à l’opium une action plus lente et moins marquée que la morphine prise isolément(14).
Cette spécificité est également caractéristique des huiles essentielles dont les multiples constituants possèdent isolément des propriétés parfois très différentes (voire opposées) mais qui se concrétisent pour l’huile essentielle utilisée dans sa globalité (c’est-à-dire dans son extraction totale et non rectifiée en tel ou tel constituant), par des propriétés de régulation.
Le simple exemple de l’huile essentielle de fleurs de Lavande, Lavandula officinalis, Chaix éclaire cette notion : parmi les nombreux composants de cette huile essentielle, distinguons les monoterpénols (dont le linalol) reconnus comme anti-infectieux et neurotoniques et les esters (en particulier, l’acétate de linalyle) dont les principales vertus sont d’être antispasmodiques et calmants. Ces effets individuellement et en apparence opposés confèrent à l’huile essentielle, employée dans sa globalité, de remarquables propriétés rééquilibrantes nerveuses(15)(16)(17)(18)(19).
Exemple du Saule, Salix alba L. et purpurea L. (Salicaceae)
- Partie médicinale : écorce
- Composition chimique simplifiée (16) :
- dérivés alcooliques salicylés (1,5 à 11%) ou salicylates dont le Salicoside (ou salicine) qui est un glucoside de l’acide salicylique mais aussi : salicortine, trémulacine, fragiline, populine…
- de nombreux composés phénoliques et leurs dérivés aromatiques, comme l’alcool salicylique, l’aldéhyde syringique, les acides salicylique, caféique, férulique…
- des Flavonoïdes et des Tanins.
- Plusieurs essais cliniques chez l’homme recevant un extrait de saule (équivalent à 240 mg de salicoside par jour) ont montré son efficacité sur différentes douleurs arthrosiques. La dose de salicoside utilisée, faible par rapport à la dose d’aspirine (500 mg) nécessaire pour obtenir un effet similaire, s’explique là encore par l’expression de la synergie existante entre les nombreuses molécules actives (12).
- Cependant, deux autres facteurs interviennent, en interrelations avec l’organisme : l’effet « prodrogue » et la biodisponibilité de l’extrait « totum » : le salicoside, en effet, n’est pas actif directement : c’est une prodrogue. Administrés par voie orale, le salicoside et ses esters s’hydrolysent en saligénine (et glucose) grâce à la flore intestinale. Après absorption, la saligénine est oxydée dans le foie en acide salicylique, qui est le composé réellement actif. Remarquons cependant que l’acide salicylique existe aussi directement sous cette forme dans l’écorce de Saule et qu’il est dénué d’effets indésirables (contrairement à l’acide acétylsalicylique à toxicité hépatique). Parallèlement, le salicoside est, lui aussi, à la fois natif dans la drogue et issu de la dégradation lente de la salicortine. Toutes ces réactions en cascades permettent une action durable dans le temps renforcée par la présence d’autres principes actifs, tels la populine et la trémulacine dont les groupes esters rallongent le temps de la métabolisation.
- Ainsi, plus de 86% de « salicylates » seront absorbés avec un taux plasmatique constant durant plusieurs heures. Grâce à l’emploi du totum, la libération linéaire et continue des principes actifs engendre une imprégnation progressive et durable permettant la prise de doses plus faibles et espacées pour un effet thérapeutique de haute qualité : efficacité et absence d’effets secondaires (9(20).
Quenching(21)
Le terme anglo-saxon « quenching » est utilisé lorsque l’un des constituants du « totum » supprime l’un ou plusieurs effets indésirables des autres composants. Le « quenching » a été principalement mis en évidence dans l’emploi des huiles essentielles :
– le citral (aldéhyde terpénique) employé isolément provoque des irritations ou des sensibilisations de la peau et des muqueuses. Cependant, au sein de l’essence de citron (Citrus limonum), la présence simultanée de d-limonène et alpha-pinène empêche l’expression de cet effet indésirable.
– de même, dans l’huile essentielle de thym (thymus vulgaris L.), la présence de linalol et d’autres alcools monoterpéniques, réduit significativement la dermocausticité des phénols associés (thymol et carvacrol)
– qui plus est, certains constituants d’huiles essentielles qui présentent isolément une toxicité potentielle, ne communiquent pas nécessairement celle-ci à l’huile essentielle elle-même, à condition qu’elle soit prise dans son totum d’extraction et non modifiée. L’exemple type est celui des cétones : le camphre présent dans l’huile essentielle de lavandin ne confère pas de neurotoxicité à cette huile essentielle complète.
Implication du "totum"en Phytothérapie Clinique
Place du « totum »
Cette complexité dans la composition – et donc dans l’analyse de la PM qui en résulte – a progressivement conduit sur la voie de la phytochimie, privilégiant la mise en évidence du PA, son isolement et sa modification chimique, afin d’augmenter sa puissance d’action et/ou diminuer les effets secondaires spécifiques à on isolement et à sa concentration. Cette voie, source de progrès incontestables, a conduit dans ses excès aux problématiques actuelles de iatrogénicité (4° source de morbidité) et à l’abandon de la PM et de la notion même de Totum.
Devant les problématiques actuelles et ces excès, largement médiatisés, et le recadrage tant méthodologique que législatif conduisant à l’attribution des AMM, dont les pouvoirs publics commencent à prendre conscience, il nous parait que la réintroduction de l’outil PM, devient une opportunité thérapeutique des plus intéressantes dans le cadre des pathologies courantes (80% des cas).
Cependant, il nous parait tout aussi évident que, reprendre le même chemin conceptuel et méthodologique que celui qui a conduit à l’abandon de la PM, est un non sens. Une deuxième voie, complémentaire à celle de la phytochimie est celle de l’utilisation de la PM dans son totum. Dans ce cadre, celui d’une Phytothérapie Clinique Intégrative, cette complexité devient alors richesse(22).
Les exemples vus ci-dessus démontrent la pertinence de l’utilisation du « totum » en Phytothérapie Clinique :
– avantage d’une multiplicité de principes actifs complémentaires permettant une utilisation à doses faibles,
– bénéfice des effets de synergie et de potentialisation,
– excellente tolérance et simultanément, diminution significative, voire absence d’effets secondaires ou indésirables.
– sans oublier l’aspect économique indéniable (rapport coût/efficacité) devant la faillite financière des systèmes d’assurance sociale, tant dans les pays développés qu’en voie d’émergence.
Ces caractéristiques sont accompagnées d’un autre aspect majeur : l’existence de l’harmonie physiologique entre les constituants de la plante et l’organisme humain. Les constituants d’origine végétale, issus du « vivant » présentent une certaine analogie de structure moléculaire spatiale (formes cis ou trans, formes lévogyres ou dextrogyres…) avec ceux de l’être humain. Il en est de même pour les différentes phythormones (PA ou métabolites secondaires) ou pour les nombreuses substances de type enzymatique dont les structures moléculaires sont très proches de celle rencontrées chez l’homme(5)(6).
Ceci explique peut-être pourquoi certaines vitamines naturelles sont plus efficaces que celles de synthèse, en dépit d’un dosage plus faible ! Par exemple, le béta-carotène naturel associe les formes cis et trans et est, de plus, accompagné d’autres caroténoïdes (alpha-carotène, lutéine, zéaxanthine…) qui évitent les effets délétères potentiels(23).
L’exemple de la Prêle : Equisetum arvense L. F. Equisetaceae est tout aussi significatif :
- Partie médicinale : parties aériennes stériles
- Composition chimique simplifiée : avec de nombreux principes actifs (tanins, flavonoïdes, polyphénols, stérols, saponosides…), la prêle est caractérisée par une grande richesse en matières minérales (15 à 20% de la plante sèche), en particulier la silice dite « organique » (car venant du « vivant »), présente sous forme de silicium insoluble (concrétions d’opaline) et de silicates hydrosolubles, associée à de nombreux autres minéraux : carbonate et phosphate de calcium, chlorure et sulfate de potassium, fer, magnésium, manganèse, soufre…(9)
- Alors que l’apport de silice minérale provoque un transfert du calcium de l’os vers les autres tissus, il est remarquable de constater que l’administration de prêle entraîne au contraire le transfert de calcium vers l’os. Ainsi, la prêle favorise la minéralisation osseuse. Il semble que la nature du silicium (silice organique), en présence de potassium soit à l’origine de cette particularité (24) (25). Parallèlement, la prêle stimule l’activité des facteurs de croissance, en périphérie, au niveau osseux (22).
Nous voyons ainsi que les propriétés physiologiques du « totum » émanent des interactions et des relations existant entre tous les PA et autres constituants de la PM, mais aussi des interrelations avec l’organisme pris dans son entière fonctionnalité et sa réactivité spécifique. Il s’agit bel et bien d’une synergie physiologique du vivant qui s’illustre particulièrement dans les trois niveaux d’action du « totum », en Phytothérapie Clinique.
Niveaux d’actions et indications du « totum » en Phytothérapie Clinique Intégrative
L’approche en Phytothérapie Clinique Intégrative utilise le » totum » de la PM et prend alors en compte toutes les potentialités de celle-ci. Nous distinguons 3 volets complémentaires dans la mise en place de la stratégie thérapeutique :
- un premier volet symptomatique avec une démarche de type substitutive, grâce aux propriétés pharmacologiques directes démontrées. Dans ce cas, le remède s’attaque au seul symptôme et se substitue à la réactivité adaptative de l’organisme (anti-inflammatoire, antispasmodique, antidépresseur, anti-…). Il élimine le symptôme afin de soulager le malade et/ou protéger l’organisme en phase suraigüe.
- le deuxième volet concerne l’action de drainage. Cette action consiste à soutenir les fonctions sécrétrices ou excrétrices des différents organes éliminateurs et permet d’améliorer la fonctionnalité de l’organisme dans sa lutte pour retrouver un état d’équilibre (état de santé).
- le troisième volet, de niveau endobiogénique(22) voir aussi s’attache à réduire les déséquilibres inducteurs spécifiques à l’individu de la pathologie considérée, et à régulariser les mécanismes d’adaptation et de réactivité de l’organisme.
Ainsi, la notion de « totum » de la PM, tant dans sa composition que dans sa posologie avec l’utilisation de doses faibles ou physiologiques, répond parfaitement à aux objectifs de ces trois volets . Il dévoile la subtilité des potentialités de la PM dans la régulation de la réactivité physiologique fonctionnelle spécifique dont les dysfonctionnements sont à l’origine du processus pathologique.
Nous exposerons ces trois niveaux d’activités complémentaires en reprenant l’exemple de la fumeterre utilisé dans son totum :
- 1er niveau : action de régulation symptomatique
- La fumeterre possède des propriétés (8)(9)(26)(27) :
- spasmolytiques digestives : sphincter d’Oddi, muscles lisses intestinaux, pulmonaires et utérins attribuées aux alcaloïdes.
- dépurative : acide fumarique, sels de potassium
- bradycardisante et hypotensive : protopine
- anti-inflammatoire : protopine, flavonoïdes…
- La fumeterre possède des propriétés (8)(9)(26)(27) :
- 2ème niveau : action de régulation de drainage
- la fumeterre est diurétique et hypolipémiante par activité pancréatique exocrine(22)
- l’activité amphocholérétique (citée précédemment) de la fumeterre a été l’objet d’études cliniques in vivo et constitue un bel exemple de régulation physiologique. En effet, la fumeterre est capable de provoquer une variation du débit biliaire en fonction de l’état physiologique observé : la cholérèse est augmentée lorsque le débit est faible, tandis qu’elle est diminuée lorsque le débit est élevé. En revanche, les variations mesurées ne sont pas significatives lorsque le débit est moyen. Ces résultats ne sont pas observables sans l’utilisation du « totum » de la plante(28)(29).
- 3ème niveau : action de régulation physiologique intégrative
- La fumeterre est parasympathicomimétique et sympatholytique ; elle est aussi anti-histaminique et antisérotoninergique (22)(26)(27).
A titre d’autre exemple intéressant, la sauge officinale manifeste une activité régulatrice sur le métabolisme glucidique grâce à la mise en place simultanée d’un effet et de son contraire : elle est capable d’induire à la fois un effet hyperglycémiant, indirectement grâce à ses propriétés œstrogénique et un effet hypoglycémiant par son action pancréatique exocrine(22). De ce fait, cela confère à la sauge officinale des propriétés régulatrices de la glycémie dont l’intensité et la qualité seront fonction de la correction physiologique régulatrice spécifique au patient considéré.
Ces deux cas témoignent de l’intérêt de :
- l’utilisation du « totum » en Phytothérapie Clinique
- et surtout de resituer l’utilisation de la PM dans le cadre d’une réflexion physiologique globale, intersystémique et régulatrice, telle que préconisée en Phytothérapie Clinique Intégrative.
La prise en compte de la totalité des propriétés potentielles du « totum » de la plante permet l’utilisation de celle-ci dans un éventail d’indications très large et cependant parfaitement ciblé. Les indications retenues pour une plante donnée seront toutes celles reconnues par les pharmacopées, enrichies de celles issues des données de la clinique, qui elles prennent en compte toutes les activités de régulation de cette plante intégrées dans une analyse physiologique spécifique à l’individu.
Ainsi, la fumeterre « traditionnellement préconisée pour faciliter les fonctions d’élimination urinaire et digestive comme cholérétique ou cholagogue » sera plus précisément utilisée en Phytothérapie Clinique Intégrative dans les affections nécessitant un drainage hépato-biliaire et pancréatique et comportant une composante spasmodique et/ou allergique et/ou inflammatoire. Elle sera tout aussi bien indiquée dans le traitement de certaines affections respiratoires ou cutanées, allergiques ou inflammatoires ou encore dans certains cas d’hypertension ! (30).
Pour autant, le choix de la PM sera prioritairement conditionné par l’adéquation entre la totalité du profil des propriétés pharmacologiques et cliniques de la PM et la prise en compte de l’ensemble du profil pathologique du patient, tant sur le plan symptomatique que des mécanismes physiopathologiques inducteurs de la maladie observés spécifiquement chez la personne conçue comme un « tout »(22).
Choix de la forme galénique
Les atouts du « totum » que nous venons de développer conditionnent par conséquent la recherche de la forme galénique la mieux adaptée. Celle-ci devra se rapprocher au plus près du « totum » de la nature. Plusieurs formes galéniques, solides ou liquides s’y conforment : la poudre totale de plante (PM), les suspensions intégrales de plantes fraîches (SIPF). Cependant, compte tenu du très grand nombre de principes actifs qu’elles contiennent, bien d’autres formes galéniques peuvent véritablement être assimilée à des « totum d’extraction » : infusions et décoctions, extraits fluides, extraits secs, microsphères, teintures-mères, huiles essentielles, etc…Toutefois, il est impératif que ces « totum d’extraction » soient alors complets dans leurs modalités spécifiques d’extraction (méthodologie : qualité et durée…) et qu’il n’y ait pas de rajout de tel ou tel principe pour obtenir un pourcentage « calibré » et « standardisé » de tel principe dit actif.
Là encore, la connaissance de la plante est indispensable, car selon la forme galénique de « totum » choisie, la cible thérapeutique change. Ainsi, la recherche d’une reminéralisation sera majoritairement réalisée à l’aide de la poudre totale de prêle plutôt qu’avec la teinture-mère…
Conclusion :
Le « totum » de la plante, de par ses éminentes caractéristiques répond parfaitement aux besoins et critères de la Phytothérapie Clinique Intégrative qui s’inscrit dans une stratégie de globalité :
- Multiplicité du nombre de principes actifs avec le bénéfice d’une part de leurs effets de synergie, potentialisation, effet prodrogue et de la biodisponibilité et, d’autre part, d’une excellente tolérance avec absence ou minimisation d’effets secondaires ou indésirables.
- Propriétés pluridirectionnelles s’exprimant sur les 3 niveaux d’action :
- symptomatique
- de drainage
- et correctrice des déséquilibres premiers inducteurs de la pathologie (Physiologie intégrative) en agissant sur les dysfonctions neuroendocriniennes à l’origine des déséquilibres métaboliques inducteurs de l’état pré-critique ou critique ainsi que de l’expression pathologique. Ce dernier volet respecte la physiologie de l’individu en soutenant, renforçant ou rétablissant ses propres réactions d’adaptation.
- Doses pharmacologiquement faibles, voire, physiologiques, et qui finalement, favorisent une économie de la ressource associée à un moindre coût !
On le voit, les avantages dans l’utilisation du « totum » d’une PM sont multiples. Plus que la quantité, c’est la qualité qui s’exprime dans la notion de « totum ». Son emploi représente une opportunité pour la médecine et il est clair que l’abandon de ce formidable outil thérapeutique au profit de l’extraction et de la concentration du seul principe actif ne peut plus être une voie exclusive dans l’utilisation de la PM. A l’heure même où les nanotechnologies permettent la délivrance ciblée d’un médicament au cœur des cellules malades, il n’en demeure pas moins que le « totum » de la PM conserve une place de choix, à condition que la Phytothérapie ne reprenne pas le même chemin que celui qui a conduit à l’abandon de la même PM et qu’il se situe dans une stratégie thérapeutique intégrative et régulatrice pour l’organisme humain.
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Par les Drs J.CL Lapraz, A. Carillon et J. Liagre
Dans le traitement de l’hypertension artérielle l’adage « the lower the better » a toujours prévalu. Aujourd’hui plusieurs études alertent sur les conséquences négatives de cet adage et sur les attitudes thérapeutiques qui en ont découlées. Un simple raisonnement endobiogénique intégrant la variabilité tensionnelle et sa finalité physiologique dans la réactivité spécifique du patient permet non seulement de comprendre cette « surprise » mais de la prévoir.
A notre époque de médecine normative, quelques articles parus dans la presse médicale et faisant la synthèse de certaines études récentes viennent bousculer les recommandations de la prise en charge du patient hypertendu : « Hypertension artérielle et risque cardiovasculaire : l’hypothèse de la courbe en J »(1), ou « Hypertendus à haut risque : jusqu’où abaisser les chiffres tensionnels »(2).
De très nombreuses études ont mis en évidence une réduction du risque cardiovasculaire proportionnelle à la baisse des chiffres tensionnels, sous traitement antihypertenseur.
La gravité de l’hypertension artérielle (HTA), que l’on qualifie de « maladie silencieuse », repose sur sa grande prévalence, son contrôle médiocre dans plus de la moitié des cas et son association plus fréquente aux autres facteurs de risques cardiovasculaires. Elle est un des éléments le plus fréquent du syndrome métabolique, et constitue elle-même un facteur de risque.
Le traitement antihypertenseur réduit significativement la mortalité globale, la morbidité cardiovasculaire et la mortalité par accident vasculaire cérébral (AVC). Le traitement de l’HTA présente également un effet préventif dans la survenue des troubles cognitifs.
Ce concept : « the lower is better » déjà admis lors de la prescription de traitement hypolipémiant a été utilisé dans le cadre de l’HTA à la suite de l’étude HOT(3).
Depuis, les recommandations actuelles sont donc des objectifs tensionnels stricts, inferieurs à 130/80 mm Hg chez les patients cardiovasculaires, diabétiques, insuffisant rénaux ou en prévention secondaire, et le dogme « the lower is better » prévaut.
Problématique
Mais plusieurs études(4, 5, 6, 7) alertent sur l’existence d’un seuil tensionnel en dessous duquel apparaît un risque coronarien ! Et c’est là qu’intervient le concept de la courbe en J(8) : le risque coronarien associé à la tension artérielle serait majoré pour des chiffres tensionnels élevés, mais également pour des chiffres tensionnels trop bas.
Il y a déjà plus de 30 ans, une étude(5) mettait déjà en garde contre une diminution trop agressive de la tension artérielle, et plus particulièrement de la composante diastolique sur le risque coronarien.
En 2006, une grande étude prospective(6), sur plus de 22 000 sujets, hypertendus coronariens mettait en évidence :
- un doublement du risque cardiovasculaire pour une pression artérielle diastolique (PAD) inférieure à 70 mm Hg,
- et un quadruplement du risque pour une PAD inférieure à 60 mm Hg.
Les auteurs de ces articles s’interrogent sur la majoration « paradoxale » du risque de morbi-mortalité pour les événements cardiaques lors de la baisse tensionnelle diastolique qui reste, selon eux à des valeurs dites « physiologiques ».
D’autre part l’existence d’une courbe en J pour différentes mesures de la PAD concernant les risques d’AVC ressortirait des études peu nombreuses sur ce thème, mais de manière peu significative. Une augmentation (non significative) des décès à été mise en évidence pour les plus bas niveaux tensionnels.
De nombreux mécanismes physiopathologiques ont été proposés pour expliquer ce paradoxe : les comorbidités, la PAD basse reflet d’une insuffisance cardiaque, l’augmentation de la pression pulsée. Le mécanisme le plus étayé est le fait que les coronaires sont principalement perfusées durant la diastole, et en dessous d’un certain seuil tensionnel, la vascularisation des myocytes est altérée, favorisant l’ischémie myocardique.
Ces articles concluent que le dogme du « the lower the better » n’est plus d’actualité. Une attitude prudente quant à la baisse tensionnelle devrait être adoptée, en particulier chez les sujets fragiles, âgés, avec des comorbidités (notamment diabète) ou ayant une maladie cardiovasculaire évoluée.
Analyse endobiogénique de cette problématique
L’approche médicale actuelle, médecine par les preuves, établit à partir de méta et/ou multi analyses, des normes et des standards thérapeutiques, des « références ». Puis d’autres méta-analyses peuvent venir remettre en cause telle ou telle attitude thérapeutique, comme c’est le cas ici. On proposera ensuite des hypothèses physiopathologiques permettant d’expliquer ces discordances.
Ce cheminement nous paraît :
- aller à l’inverse du bon sens ! En effet, il faudrait partir d’une analyse stricte et fine de la physiologie, donc de l’état de santé, mettre en évidence les éléments régulateurs concernés par le maintien de cet état d’équilibre, et leurs dysfonctions éventuelles à l’origine des déséquilibres physiopathologiques inducteurs de la maladie
- ne pas tenir compte des règles mathématiques et statistiques permettant d’établir des fourchettes de normalité (courbe de Gauss) : que penser des sujets normaux se situant dans les zones périphériques ?
- ne pas tenir compte des simples variabilités physiologiques traduisant tout simplement la fonctionnalité adaptative du sujet. Cette notion est ignorée, car elle rend difficile l’inclusion, à l’intérieur de ses fourchettes, des constantes (!) biologiques par nature … variables.
Quelle est, pour l’endobiogénie, la finalité de la pression artérielle ?
Références
1. Propos Biopharma n° 128 de 2011
2. Quotidien du Médecin n° 9070 – 23-01-2012
3. Hansson L. et coll. Lancet 1998 ;351 : 1755-62
4. Denardo SJ et coll. Hypertension 2009 ;53(4) :624-30
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7. Ann Intern Med 2006,144 : 884-893
8. Cruickshank JM,Thorp JM, Zacharias FJ. Benefits and potential harm of lowering high blood pressure Lancet .1987,1,581-584
9. Fagard RH, Staessen JA, Thijs L et al. On-treatment diastolic blood pressure and prognosis in systolic hypertension. Arch. Intern. Med.2007, 167 :1884-1891
Cet article est la traduction en Français de l’article « Endobiogeny and aromatherapy » de Jean-Claude Lapraz, MD, Kamyar M. Hedayat, MD, Dan Kenner, PhD, Lac, paru dans l’International Journal of Professional Holistic Aromatherapy, Vol.2 Numéro I, été 2013
Traduction par Brigitte Lapeyronnie Robine
Introduction
L’aromathérapie clinique offre de nombreux avantages dans le soin apporté aux patients, comme la possibilité de dosages moindres ou encore la multiplicité des voies d’administration comme l’inhalation, l’application topique, la voie orale ou rectale. L’aromathérapie clinique contemporaine peut être retracée depuis le travail empirique du Dr Jean Valnet jusqu’au travail scientifique de ses élèves, entre-autres Christian Duraffourd, MD et Jean-Claude Lapraz, MD.
L’aromathérapie clinique peut amener un soulagement très satisfaisant à de nombreux patients, mais la grande majorité de la littérature à ce jour s’est centrée presque exclusivement sur le traitement symptomatique (Buckle, 1999 ; Hedayat, 2008 ; Hueberger et coll. 2004 et 2006 ; Tildesley et coll. 2003 et 2005 ; Lin et coll. 2007 ; Goel et coll. 2005 ; Haze et coll. 2002). Pour que l’aromathérapie clinique puisse évoluer vers une méthodologie précise, on a besoin d‘une approche systématique afin d’évaluer la maladie d’un patient dans son ensemble. La méthode endobiogénique développée par les Drs Duraffourd et Lapraz durant les 40 dernières années, présente une telle approche. Le travail à l’origine a porté sur les huiles essentielles, et les huiles essentielles tiennent encore aujourd’hui un rôle important dans cette méthode (Duraffourd et Lapraz, 2002).
Endobiogénie
L’endobiogénie est un système d’approche de la pratique clinique qui prend en compte le système global du corps : les organes pris individuellement, leur activité cellulaire et métabolique à l’intérieur d’eux-mêmes et de leur part, tout comme les relations entre eux et vis-à-vis du fonctionnement global de la personne. Elle est solidement enracinée dans la recherche scientifique moderne en endocrinologie physiologique et pathologique (Lapraz et Hedayat, 2013). L’endobiogénie est l’étude intégrative des mécanismes structurels de régulation du corps humain lors de l’homéostasie tout comme lors de sa réponse fonctionnelle à des stress internes et externes, comme les infections pathogènes ou le stress émotionnel.
La méthode endobiogénique évalue l’état qualitatif et quantitatif du corps et de son milieu interne : le « terrain » biologique dans lequel le corps fonctionne. La stratégie du traitement endobiogénique est de rétablir le terrain de la constitution de la personne, antérieur à la maladie. Quand cela n’est pas possible, nous cherchons alors à soutenir la capacité d’amortissement et à aider l’organisme à atteindre le niveau le plus haut de fonctionnement d’homéostasie. La capacité d’amortissement correspond au mécanisme adaptatif auquel le corps doit faire face lorsque des besoins soudains lui sont soumis. Par exemple, le corps stocke du bicarbonate et peut faire face rapidement à une certaine acidité développée de cette façon. Un autre exemple, c’est que 98% de la plupart de nos hormones sont liées et non utilisées, restant en arrière-plan, liées à des protéines de transport. Cependant, lors de périodes de grand besoin physiologique, ces hormones (comme la T3) peuvent être rapidement relâchées. Les symptômes de toute maladie sont toujours envisagés à la lumière du fonctionnement global de l’organisme dans sa totalité.
La méthode endobiogénique comprend trois axes. Le premier considère l’histoire détaillée, qui commence avec l’histoire prénatale, les caractéristiques de l’enfance, l’histoire familiale, les facteurs héréditaires, etc. Une ligne de vie est créée qui cartographie les traumas physiques et psychiques importants et qui sont alors reliés à l’apparition et à la progression des différents symptômes.
Le deuxième axe, c’est l’examen physique détaillé. L’examen endobiogénique est assez complet et singulier à plusieurs titres. Il se fonde sur l’observation du fait que certaines relations neurologiques et endocriniennes peuvent être vues et palpées sur le corps humain. Par exemple, on sait que la dopamine affecte la rapidité du clignement spontané des yeux (Karson, 1989). Un patient qui se plaint d’angoisse et qui cligne beaucoup des yeux a une dopamine élevée. Une huile essentielle qui a des propriétés neuro-physiologique de dissociation, comme le Ylang-Ylang (Cananga odorata) peut être indiquée pour un tel patient. (Un agent de dissociation neuro-physiologique est un agent qui accroît l’activité mentale tout en réduisant les signes de stress physiologiques, comme la pression artérielle et la fréquence cardiaque). Des études cliniques récentes ont montré que l’inhalation et les applications cutanées de Ylang-Ylang augmentent un état calme (ondes alpha) tout en réduisant la pression artérielle. (Hongratanaworakit et Buchbauer, 2004 et 2006). Un autre exemple, le cortisol occasionne un coussinet adipeux sur l’os zygomatique, parmi d’autres endroits. Un patient qui présente des symptômes de stress et de fatigue et qui a ce coussinet adipeux peut bénéficier d’une équilibration neuro-endocrinienne, avec un produit qui soutienne l’activité surrénalienne tout en réduisant le système nerveux central et la stimulation hormonale de la glande surrénale. La sauge sclarée (Salvia Sclarea) est un bon exemple d’huile essentielle adaptée au terrain d’une telle personne (Park et Lee, 2004).
Le troisième axe de l’approche endobiogénique, c’est le système de modélisation biologique, la Biologie des Fonctions. La Biologie des Fonctions est un outil de modélisation biologique qui relie les biomarqueurs du sérum à des ratios et des produits directs et indirects. Cela permet une évaluation à la fois qualitative et quantitative du terrain du patient et peut améliorer grandement le traitement qu’offre le clinicien des causes réelles de la maladie du patient. Du fait de la nature mathématique de ces index, l’état du patient peut être évalué objectivement au cours du temps (Lapraz et Hedayat, 2013).
Avec une bonne évaluation du terrain, le praticien en endobiogénie est capable d’appliquer un schéma phytothérapeutique rationnel. Nous croyons que l’utilisation de plantes médicinales et de leurs divers extraits – y compris les huiles essentielles- est la méthode la plus efficace pour réguler les déséquilibres. Cependant, la méthode endobiogénique peut aussi utiliser d’autres traitements, y compris l’utilisation de produits pharmaceutiques lorsqu’ils sont indiqués par la sévérité de la maladie et/ou par l’insuffisance des capacités d’amortissement du patient.
Les principes de base
Ne pas nuire : c’est le mot d’ordre de tout système de traitement, y compris de l’endobiogénie. Le type de traitement choisi, la voie d’administration et la posologie dépendent tous de la sévérité de la maladie, des comorbidités et de l’état global du terrain du patient.
Le traitement symptomatique : les symptômes ne sont jamais ignorés et parfois nécessitent une attention urgente sur tout autre considération. Cependant, une fois qu’on s’est occupé des symptômes urgents, les facteurs fondamentaux du terrain devront de même être envisagés.
Corriger le terrain : C’est un élément thérapeutique clé dans le traitement de toute maladie chronique et pour prévenir les récidives des troubles aigus. Le terrain est l’expression fonctionnelle de l’héritage génétique. C’est un jeu dynamique et continu entre les éléments structurels et fonctionnels du corps, les capacités de base et adaptatives et le fonctionnement, et les éléments inducteurs et réactifs contre les agressions internes et externes. Le concept important dans la correction du terrain c’est celui d’assurer un drainage approprié des émonctoires.
Drainage : Les émonctoires selon le concept endobiogénique comportent tous les organes qui excrètent. Les émonctoires servent à de nombreux buts, comme aider à la digestion, à la détoxification et à la production de vitamines. Parmi les émonctoires, les plus fondamentaux pour une activité physique appropriée sont le foie, le pancréas et la vésicule biliaire du fait de leur lien au métabolisme. Parmi les voies de drainage, la voie lymphatique joue aussi un rôle important.
Quand un organe est débordé, il peut faire l’expérience d’une congestion toxique par accumulation de produits de déchets métaboliques. Une activité alpha-sympathique élevée peut entraîner une congestion vasculaire des organes. Dans tous les cas, il y a une fonctionnalité atténuée de l’organe due à la congestion (Duraffourd et Lapraz, 2002).
Le processus de drainage est appliqué stratégiquement aux systèmes organiques affectés. Par exemple, quand il y a une maladie fréquente des voies respiratoires, le pancréas est impliqué au niveau général et les ganglions lymphatiques sont impliqués à un niveau loco-régional. Dans ce type de maladie, les ganglions lymphatiques cervicaux peuvent être drainés afin que le système immunitaire fonctionne bien et le pancréas devrait être drainé afin de permettre au terrain qui a conduit à une telle maladie d’être corrigé. Le drainage du foie et des voies biliaires est essentiel lors de nombreux états, surtout quand il y a un besoin accru d’oestrogènes ou d’hormones thyroïdiennes en réponse à des demandes métaboliques du corps. Les drainages des reins, du pancréas, du gros intestin et de la peau peuvent tous intervenir dans le plan thérapeutique.
Les émonctoires et les huiles essentielles : La méthode endobiogénique utilise les formes galéniques les plus efficaces, comme les formes naturelles plutôt que des composants synthétiques, pour aborder différentes maladies. En plus de l’utilisation de la gemmothérapie et de teintures mères, nous avons trouvé que les huiles essentielles peuvent être efficaces pour le drainage. Notez que beaucoup d’huiles essentielles qui sont efficaces pour le drainage le sont aussi pour traiter les troubles infectieux et non infectieux des organes qu’ils drainent. Cela confirme à nouveau la complexité des éléments phytothérapeutiques tout comme leur grande efficacité dans le traitement simultané du terrain et des symptômes. Ci-dessous sont listés les principaux émonctoires et les huiles essentielles qui, selon notre expérience, sont efficaces pour le drainage.
Foie : Sauge officinale (Salvia officinalis) (Lima et coll., 2004), Carotte (Daucus carota), Marjolaine (Origanum Majorana) (el-Ashmawy et coll., 2005) et Nigelle, huile pressée (Nigella sativa) (Lee et coll., 2003).
Pancréas : Cannelle écorce et feuille (Cinnamomum Zeylanicum) (Talpur et coll., 2005), Origan commun (Origanum vulgare) (Talpur et coll., 2005), Romarin (Rosmarinus officinalis) (al-Hader et coll., 1994), Eucalyptus (Eucalyptus globulus, Eucalyptus radiata), Geranium Herbe à Robert (Perlagonium robertum), Genévrier (Juniperus Communis).
Vésicule biliaire : Romarin (Rosmarinus officinalis), Menthe poivrée (Mentha Piperita) (Goerg et Spilmer, 2003), Carvi (Carum Carvi) (Goerg et Spilker, 2003).
Reins : Genévrier (Juniperus Communis) (Stanic et coll., 1998 ; Ripka, 1964), Lavande (Lavandula Angustifolia), Angélique (Angelica Archangelica) (Starker et Nahar, 2004), Bouleau (Betula Pubescens), Romarin (Rosmarinus officinalis), Fenouil (Foeniculum Vulgare).
Lymphatique : Laurier noble (Laurus Nobilis), Cyprès (Cupressus Sempervirens), Genévrier (Juniperus communis).
Approche endobiogénique du terrain et les effets antimicrobiens des huiles essentielles.
Le travail d’un des auteurs (JCL) avec C. Duraffourd, MD, dans les années 1970-1980, concernant les effets antimicrobiens des huiles essentielles, a produit d’importantes observations sur l’importance du terrain en déterminant quelles sont les huiles essentielles à utiliser pour traiter tel patient (Duraffourd et Lapraz, 2002). Ils ont développé un aromatogramme en utilisant des disques imprégnés d’huiles essentielles pour évaluer l’efficacité de différentes huiles essentielles et de leurs chémotypes vis-à-vis de différentes bactéries, qu’elles soient gram plus ou gram moins.
De ces études, ils ont conclu deux points clé. D’abord, l’activité antimicrobienne de l’huile essentielle provient du jeu en synergie de tous ses composants en totalité et de ses interactions avec le terrain du patient. Le deuxième point, la catégorisation des huiles essentielles en « douces » ou « fortes » en usage interne, fondée sur la concentration de groupes fonctionnels et de leurs effets topiques, est une notion erronée. Ils ont comparé les effets du géraniol et de deux huiles essentielles qui contiennent du géraniol : le Thym (Thymus Vulgaris ct. géraniol) et le Géranium Rosat (Pelargonum asperum) ayant une forte concentration de géraniol qui n’est pas typiquement trouvée.
Tableau 1. Activité antimicrobienne du géraniol en tant que composant isolé versus les chémotypes de géraniol du Thym et du Géranium.
Alors que le géraniol à 100% a eu une efficacité modérée contre un large spectre de germes gram – et gram +, le thym, avec son contenu plus faible en géraniol a eu plus d’activité contre les germes gram – que le géraniol pur ou que l’huile essentielle de Géranium, tous deux ayant des contenus en géraniol plus forts. Ainsi, un composé particulier n’explique pas suffisamment à lui seul l’activité antimicrobienne des huiles essentielles.
Au départ, quand nous avons souhaité traiter les maladies infectieuses de nos patients, nous avons d’abord voulu déterminer l’huile essentielle optimale de l’aromatogramme. Une fois que nous avons établi les huiles essentielles appropriées pour traiter les infections de nos patients, nous avons trouvé que la dose nécessaire pour arriver efficacement à soulager l’infection a été plus basse que prévue par le Concentrations Minimales inhibitrices (MIC) déterminé par nos études in vitro. Par exemple, nous avons trouvé que, in vivo, la concentration minimale inhibitrice pour un adulte typique, est de 1×10-4 g d’huile essentielle par ml de fluide corporel. Faisons l’hypothèse qu’un patient reçoive une goutte standard US d’huile essentielle par dose soit 0,05g. En diluant cela dans 40 litres d’eau corporelle totale, la concentration d’une dose unique d’huile essentielle serait de 1.25 x 10-5g/ml de fluide, bien en dessous du MIC. L’activité antimicrobienne in vivo survient du fait d’un changement dans le terrain grâce au drainage, à la détoxification et aux modifications neuro-endocriniennes.
En conséquence, nous avons tous abandonné cette méthode pour une approche selon laquelle, parmi les centaines d’huiles essentielles à activité antimicrobienne appropriée, nous avons choisi les huiles essentielles les plus adaptées au terrain endobiogénique du patient. Finalement, nous avons conclu que l’activité antimicrobienne des huiles essentielles ne se fonde pas seulement sur ses actions in vitro, mais aussi sur le terrain que cela soit par immunomodulation, drainage, ou par l’activité neuroendocrine ou génétique. Les doses sont trop basses pour être directement antimicrobienne sauf dans les cas d’application topique directe d’huiles essentielles sur une peau infectée ou dans les cas d’absorption transdermique pour infections intra-articulaires. Quand nous utilisons des huiles essentielles pour traiter des infections, nous trouvons que la combinaison d’huiles essentielles les moins toxiques, en usage interne à intervalles réguliers est l’approche thérapeutique la plus efficace.
Les chémotypes peuvent être utiles pour des cas particuliers, comme des sensibilités anatomiques locales singulières à un patient. Par exemple, on pourrait souhaiter utiliser du Thym vulgaire (Thymus Vulgaris) à linalol pour un jeune enfant afin d’éviter les effets muco-irritants de concentrations fortes en thymol. Cependant un choix rationnel endobiogénique d’huile essentielle conduit typiquement à une dose relativement basse et suffisamment diluée pour que cela ne soit probablement pas irritant pour la muqueuse. De toutes façons, on devrait éviter le penchant pour « l’aromachimie », qui n’est qu’une autre forme de pensée réductionniste. L’aromachimie a pour tendance d’attribuer les effets globaux des huiles essentielles « seulement » à leur contenu chimique (Schnaubelt, 1999) sans considérer leur impact sur le terrain de l’individu. Quand on traite des patients par voie interne et en considérant le terrain, le chémotype particulier de l’huile essentielle n’est pas aussi important que le fait d’accorder les effets globaux des huiles essentielles à ce patient particulier.
Considérons un patient ayant une infection sévère, aigue avec une réponse alpha sympathique élevée (mains et pieds froids, rythme respiratoire élevé, pupilles dilatées, appétit diminué). Nous avons trouvé que l’huile essentielle de Lavande, qui est considérée comme une huile essentielle « douce » du fait de ses groupes fonctionnels avec beaucoup d’alcool, est plus efficace quand elle est utilisée par voie interne pour ce type de patient qu’une huile essentielle riche en phénols comme la sarriette (Satureja Montana). La sarriette avec ses propriétés sympathomimétiques, peut exacerber l’activité alpha-sympathique élevée d’un tel patient et conduire à un état hyper-catabolique.
Dans le cas d’une infection, le système immunitaire du corps est stimulé par le système nerveux autonome et géré par le système endocrinien. Le système immunitaire est en fin de compte ce qui gère l’infection. L’utilisation par voie interne d’huiles essentielles est si diluée que ses effets antimicrobiens n’entrent pas en jeu. C’est l’effet des huiles essentielles sur le terrain, c’est-à-dire sur le drainage des émonctoires, la facilitation de l’activité neuro-endocrinienne et la stimulation de l’activité immunitaire qui gère réellement l’infection.
Conclusion
L’endobiogénie est une forme de médecine fondée sur les systèmes et développée depuis les 40 dernières années par les Drs Duraffourd et Lapraz. C’est une vraie forme de médecine intégrative en ce sens qu’elle intègre les différents éléments du terrain du patient d’une manière cohérente qui respecte la globalité de l’être humain. L’approche thérapeutique du traitement est une approche rationnelle fondée sur l’évaluation propre du terrain endobiogénique de chaque individu. Elle comprend de nombreuses formes de traitements, y compris les huiles essentielles, fondées sur de nombreuses considérations comme la sévérité de la maladie, l’intégrité et la force d’amortissement endogène et des systèmes tampons, et la possibilité de guérison spontanée en utilisant des traitements naturels vs synthétiques. Ceux qui ont développé les traitements endobiogéniques ont un long passé d’utilisation des huiles essentielles et ont contribué par leur travail à préciser une méthodologie pour leur sélection et leur application dans différentes maladies.
Par le dr Jean-Christophe Charrié – médecin généraliste (Grasse – Symposium international d’aromathérapie et de plantes médicinales)
Cet exposé montre le type de résultats cliniques qui peuvent être obtenus sur des plaies chroniques grâce à l’emploi de moyens thérapeutiques synergiques différents constitués d’argile et d’extraits totaux de plantes médicinales appliqués au patient.
De tels traitements apportent un bénéfice important en termes de soins et d’efficacité, mais aussi en termes financiers et environnemental (ne sont utilisés ici que des produit d’extraction naturelle non modifiés).
Introduction
Le Pr Rautureau vient d’exposer toute l’intimité existant entre l’argile et la plante, ainsi que les raisons scientifiques les justifiant. Pour un médecin clinicien, certaines explications peuvent paraître complexes, mais il convient de s’y attarder pour comprendre les effets attendus de l’argile dans la thérapeutique.
Trop souvent, l’approche scientifique fondamentale oublie la finalité de l’application clinique. Dans le monde de la phytothérapie on est confronté aussi à cette même problématique. Les travaux des pharmacognostes, des pharmacochimistes, des pharmacologistes (…), bien que fondamentaux et indispensables à la connaissance de l’outil thérapeutique que représente la plante, n’apportent que peu de réponses concrètes aux applications cliniques du totum de la plante. En effet la réalité clinique démontre à chaque instant que les effets obtenus sur le vivant par la somme des principaux composants de la plante sont toujours inférieurs à ceux générés par la totalité de la plante elle même. Car au-delà de la connaissance de la totalité des éléments qui la constituent, il convient de comprendre que le rôle capital joué par la fonctionnalité thérapeutique de ces éléments agissant en synergie – conséquence de la dynamique et des nécessités de vie de la plante qui les a produits – s’explique par la nature des effets physiologiques qu’ils peuvent induire dans le corps humain.
Les données issues de la tradition, d’égale importance pour nous médecins endobiogénsites(1), sont la résultante de millénaires d’observation. Pour la plupart de transmission orale, étudiées scientifiquement par les anthropologues médicaux, elles ont leur influence dans toutes les cultures. Le travail que nous menons actuellement en commun avec les médecins Mexicains(2), nous a appris la force de cette transmission. En effet les dévastations issues de la colonisation espagnole menée par Cortez avec destruction systématique, par le feu le plus souvent, des données écrites des indigènes aurait pu effacer à jamais cette mémoire de l’humanité. Les travaux menés depuis des années par le Dr Paul Hersch entre autre, médecin Anthropologue(3), auprès des indiens du Chiapas ont permis de récolter des connaissances ancestrales sur les plantes médicinales du Mexique, et de distinguer par exemple dans la sémiologie de ces indiens, des signes issus de différentes cultures indiennes autres que celles du Chiapas (Mayas, Aztèque, etc.…), et des signes issus de la médecine occidentale du XVIe siècle.
Avec la réflexion endobiogénique nous avons intégré les connaissances issues de la tradition, de la pharmacologie et de la clinique. Grâce à cette réflexion, nous avons pu expliquer les raisons de choix des plantes.
Avec le Pr Rautureau, nous avons souhaité partager nos connaissances, d’apparence si éloignées et pourtant si complémentaires. La présentation que nous faisons au cours du symposium de Grasse est une des manifestations de ce rapprochement.
Ayant appris la science de l’endobiogénie, je me suis familiarisé à l’usage de l’argile en clinique(4), et par ailleurs, utilisant principalement la plante médicinale comme outil thérapeutique, j’ai rapidement fait usage de la plante associée à l’argile. Pendant 10 années d’exercice hospitalier au bénéfice des patients souffrant de plaies chroniques(5), j’ai été amené à utiliser à maintes reprises, et avec succès, l’argile associée à des plantes médicinales dans des cas difficiles et chez des patients dénutris. Dans le cadre de cet exposé, je présente deux cas cliniques concernant le soin de plaie chronique.
Les cas cliniques présentés ont bénéficié d’une préparation en vente en pharmacie associant de l’argile dite verte de type principal “illite” dont la structure phylliteuse est à trois couches, à laquelle est associé de l’aloès (aloe vera) et des huiles essentielles de lavande (lavandula angustifolia), de romarin (rosmarinus officinalis) et de girofle (Eugenia caryophylata).
Alors pourquoi ce choix ? Tout d’abord cette formulation a été réalisée grâce au travail clinique de la Société Française de Phytothérapie et d’Aromathérapie (SFPA). Elle répond aux règles de l’endobiogénie et a pour objectif de favoriser les processus naturels d’autoréparation de l’organisme. Mais voyons, le détail des composants de cette préparation.
Travaux cliniques sur l’illite (Travaux de la Société Française de Phytothérapie et d’Aromathérapie)(6).
L’illite concernée (communément nommée argile verte(7)) a fait l’objet d’études cliniques nombreuses sur plus de 20 ans effectuées par un groupe de recherche de 22 médecins appartenant à la Société Française de Phytothérapie et d’Aromathérapie.
Les différentes propriétés thérapeutiques retrouvées sont, pour la voie locale les suivantes :
- cicatrisante ;
- détergente ;
- antiseptique ;
- anti-infectieuse ;
- antimycosique ;
- anti-inflammatoire ;
- désinfiltrante ;
- antalgique ;
- désodorisante ;
Expérience sur le traitement des maux perforants plantaires des lépreux réalisée au Sénégal avec l’illite seule
Ces propriétés thérapeutiques observées pour un usage local sont confortées par les résultats d’un essai réalisé au Sénégal par les docteurs Claude Duraffourd et Jean-Claude Lapraz, sous l’égide de la Fondation Raoul Follereau auprès d’une population de malades lépreux.
Le rapport définitif de “l’essai de traitement des maux perforants plantaires de la lèpre par l’argile verte” (incluant 65 patients, 31 cas d’étude et 34 cas témoins) réalisé par le Docteur Abdoulaye Ndiaye (Premier conseiller auprès du Ministère de la Santé du Sénégal) relate dans ses conclusions les résultats suivants :
Concernant les résultats après le traitement par l’argile verte (31 cas) :
la guérison avec cicatrisation complète a été obtenue en moins de deux mois chez 48,4 % des cas traités par l’argile ;
la cicatrisation à quatre mois est de 58,1 % des cas de l’étude. Deux derniers cas de guérisons surviendront respectivement au 5ème et 6ème mois du traitement portant à 64 % le taux de guérison à 6 mois de traitement par l’argile verte ;
l’action anti-inflammatoire et anti-infectieuse a été observée cliniquement en moins de deux mois dans 84 %.
Concernant les résultats des témoins (34) après le traitement par la méthode PNL (programme national contre la lèpre) établi par l’O.M.S. :
- les cas de guérison précoce à moins de 4 mois de traitement sont peu fréquents, le taux de guérison à 4 mois étant de 23 % ;
- le taux de guérison à moins de 6 mois de traitement n’est que de 26 % ;
- le taux de guérison sur une durée d’étude de 18 mois est de 58 %.
Cette étude conclut que l’argile verte est bien efficace pour le traitement des MPP (mal perforant plantaire) de la lèpre, grâce à une action anti-inflammatoire, anti-infectieuse et cicatrisante, cliniquement évidente. L’avantage de l’argile sur le traitement classique pourrait être :
- La précocité de l’action anti-inflammatoire et anti-infectieuse (moins de 2 mois) et cicatrisante (58 % à 4 mois), ce qui permettrait des traitements de plus courte durée, mieux tolérés ;
- La simplicité de la méthode de pansement pouvant être exécutée correctement par le malade lui-même à domicile ;
- L’accessibilité financière du traitement.
Intérêt des autres constituants de cette préparation :
Conclusions
Au total, au travers les études citées ci-dessus, cette préparation par ses propriétés anti-inflammatoire, anti-infectieuse et cicatrisante doit permettre la mise en évidence de l’évolution favorable de la plaie, en particulier sur sa composante inflammatoire et microbienne.
L’étude de cette préparation repose, comme nous l’avons vu, sur des connaissances scientifiques établies et sur une expérimentation concernant chacun de ses composants.
Le risque encouru par les patients est par ailleurs inférieur aux bénéfices escomptés. Au pire, on peut s’attendre à une stagnation de la lésion. Le seul risque potentiel connu est de type allergique, lequel correspond à une eczématisation des pourtours de la plaie, ce qui est également décrit avec les différents traitements utilisés dans ce type de soin.
Modalité clinique d’application
Remarque préalable : nous avons choisi volontairement deux cas cliniques dont les photographies présentent le moins de risque possible pouvant choquer les lecteurs.
Dans notre approche clinique, nous avons utilisé cette préparation au sein du Centre d’Activité Plaies et Cicatrisation (CAPCic)(10) de l’hôpital de la Rochelle. Nous l’avons utilisé pour déterger des escarres nécrotiques et des ulcères fibrineux résistant aux autres traitements de détersion.
Les soins sont à réaliser une fois par jour, ils comprennent :
- lavage de la plaie avec une solution de chlorure de magnésium à 20 ‰ dans du sérum physiologique stérile ;
- séchage avec compresses stériles ;
- détersion manuelle si besoin ;
- protection des berges de la plaie avec de la pâte à l’eau (Argile blanche, oxyde de zinc, glycérol) ;
- application le la préparation en couche épaisse (environ 1/2 cm d’épaisseur afin de maintenir une bonne humidité au contact de la plaie) dans l’ulcère sans déborder sur la surface cutanée ;
- recouvrir de compresses stériles, humidifier si besoin avec la solution ci-dessus et placer un bandage réalisé de façon à maintenir l’humidité du pansement.
Premier cas clinique :
Il s’agit d’un patient masculin, âgé de 78 ans, multi artéritique amputé du membre inférieur droit, dénutrie, et suivi par le CAPCic pour cicatrisations de son moignon d’amputation et de plaies de distalité sur le membre restant. Les soins sont réalisés tous les jours, la plupart du temps au domicile par l’infirmière libérale, et deux fois par semaine par l’Equipe du CAPCic.
A la suite d’une malposition lors d’un repas, son genou gauche en appui contre la table présente l’apparition d’une escarre d’évolution rapide. En l’absence de médecin, et en attendant sa consultation programmée deux jours plus tard auprès du CAPCic, l’infirmière du domicile habituée aux soins avec la préparation d’argile et de plantes médicinales met en place le premier pansement sur la plaque de nécrose.
Deux jours plus tard, apparaît le sillon d’élimination et le ramollissement de la nécrose ce qui lui permet d’éliminer la nécrose avec le bistouri.
Nous recevons le patient le lendemain 17 janvier 2008 avec cette plaie photographiée à (J + 3). Elle présente un pourtour inflammatoire marqué, une fibrine épaisse en son centre et déjà un bourrelet périphérique actif.
Nous poursuivons les soins avec la même préparation.
- Son aspect à (J + 21) soit le 4 février 2008 : la fibrine centrale à totalement disparu, du tissus tonique a pris sa place, l’inflammation périphérique à diminuée.
- Nous poursuivons les soins avec la même préparation.
- Son aspect à (J + 42) le 25 février 2008 : disparition de l’inflammation périphérique, le bourgeon charnu est très actif et occupe toute la place et favorise l’épithélialisation.
Nous arrêtons la préparation et terminons les soins à l’aide d’un tulle.
À (J + 63) le 17 mars 2008 : la plaie est pratiquement cicatrisée.
Second cas clinique :
Il s’agit d’une escarre trop classique concernant l’appui du talon droit chez un patient âgé de 78 ans grabataire et dénutri.
Voici son aspect lors de notre prise en charge le 25 février 2008.
Il existe une nécrose noire centrale 90 % et un bourrelet périphérique de qualité moyenne (zone claire témoignant d’une faible vascularisation). Différents pansements ont été réalisés pour ramollir cette nécrose, une scarification a été effectuée. Devant une réponse insuffisance de ces différents protocoles nous mettons en place le soin avec la préparation Argile et plantes médicinales.
Voici son aspect à (J + 14) soit le 10 mars 2008 après détersion au bistouri des tissus nécrosé (peau et coussinet adipeux talonnié.
Et maintenant son aspect à (J + 24) soit le 20 mars 2008. Il reste en position centrale de la fibrine ; la périphérie présente un tissu actif très tonique.
Enfin son aspect à (J + 35) le 31 mars 2008, où l’on remarque de nombreux bourgeonnements actifs en position centrale et un début de comblement de la perte de substance.
Ce qui est intéressant dans ce cas clinique c’est que malgré une évolution satisfaisante de la plaie, il est apparu une escarre sur le talon gauche.
Une photographie a été réalisée dans les premiers jours de son apparition.
Un peu plus d’une dizaine de jours plus tard, la nécrose est totalement ramollie et on aperçoit clairement la présence circonférentielle du bourrelet d’élimination. Ce signe donne le feu vert à la détersion mécanique
Après la détersion, on s’aperçoit que la plaie est très tonique et, fait rare, il y a même un saignement.
Sur cette image pleine d’espoir, nous suspendons cette présentation clinique.
Nous avons de nombreux cas cliniques similaires. En pratique, nous avons utilisé ce protocole, parfois en désespoir de cause, et obtenu des résultats inespérés. Bien familiarisé à son usage nous l’avons ensuite appliqué en première intention et rarement nous avons été déçus par le résultat obtenu qui était celui que nous attendions.
Nous avons récemment évalué une autre préparation à base d’argile dite verte, de miel, de cire d’abeille et d’huile riche en acide gras essentiels, indiqué dans les plaies non surinfectées. Il s’avère que cette préparation trouve toute sa place dans la suite des soins faits avec celle comprenant les huiles essentielles.
Nous souhaitons maintenant pouvoir faire une étude d’évaluation de ce type de prise en charge à grande échelle avec la ville de Mexico dans le cadre de son programme d’intégration de la plante médicinale dans le système de santé publique et gratuit ; nous espérons vous présenter les résultats de ces travaux dans les 5 années à venir.
Note
1.Dr C. Duraffour , Dr J.-C. Lapraz ; Traité de Phytothérapie clinique, endobiogénie et médecine, éditions MASSON, Paris 2000.
2.Collaboration entre la SIMEPI (société Internationale de Médecine Endobiogénique et de Physiologie Intégrative) et la SMFC (Sociedad Mexicana de Fitoterapia Clinica, A. C.).
3.INAH (Instituto Nacional de Anthropologia e Historia – Mexique). http://www.inah.gob.mx/
4.Dr J.-C. Charrié ABC de l’argile, éditions Grancher, Paris 2007.
5.Dr P. Chasseuil, Dr J.C Charrié ; Le centre hospitalier de La Rochelle met le cap sur la cicatrisation ; Journal des Plaies et Cicatrisation N°75 09/10 XV pp 10-13.
6.Ensemble des travaux relevés dans l’ouvrage ABC de l’argile (référence donnée ci-dessus).
7.La couleur d’une argile reflète en partie sa constitution chimique mais n’est pas particulièrement en relation avec les propriétés thérapeutiques car des argiles très différentes peuvent avoir une couleur quasiment identique. Toutefois, un large public s’est habitué à caractériser une argile par sa couleur. Ainsi, l’illite a le plus souvent la couleur verte, ce qui justifie cette dénomination « d’argile verte ». En cas d’applications précises, il faut se référer à la classification des argiles (voir « Argiles et santé, 2010).
8.Dr R. Dodeur, 1999. Place des moyens thérapeutiques d’extraction naturelle pour les malades en soins palliatifs ; Mémoire Diplôme Universitaire soins palliatifs, Faculté de médecine de Lille.
9.F.J. Diarra, Etude comparative de deux régimes thérapeutiques dans le traitement des maux perforants plantaires d’origine lépreuse observés à l’institut Marchoux de Bamako (Mali) ; Thèse de Médecine, 22/01/2000, Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odonto-Stomatologie du Mali.
10.P. Chasseuil, J.-C. Charrié, Le centre hospitalier de La Rochelle met le cap sur la cicatrisation ; une vision intégrative de la prise en charge des plaies avec le Centre d’Activité Plaies et Cicatrisation (C.A.P.Cic.), Journal des Plaies et Cicatrisation N°75, septembre 2010 Tome XV.