La plante médicinale – notion de totum – implication en phytothérapie clinique intégrative
Par le Ph. Christine Cieur et le Dr. Alain Carillon
La plante médicinale est composée de milliers de substances. Chacune d’entre elles est présente en quantité variable (souvent faible). Parmi tous les principes actifs (PA), il est souvent difficile de mettre en évidence les plus essentiels, mais deux caractéristiques sont à souligner…
Introduction
Pendant de nombreux siècles la plante médicinale a constitué le principal outil thérapeutique disponible. Pour les Anciens, la plante représentait bien plus que cela : un microcosme vivant placé au sein d’un macrocosme. Ils ont, très tôt, grâce à cette vision holistique, conceptualisé la notion de « globalité » tant sur l’approche physiologique de l’individu que pour celle du produit thérapeutique lui-même, ici, la Plante Médicinale (PM).
« Le tout est plus grand que la somme des parties » est la règle fondamentale énoncée par Ibn Sîna, plus connu sous le nom d’Avicenne (980-1037). Ainsi, l’homme est un tout, doté d’un « tempérament » unique et particulier qui n’est pas la résultante de la somme des composantes de cet individu. Même constat pour la plante médicinale : l’action thérapeutique de la plante entière diffère de celle de ses principes actifs isolés. Le « Totum », qui se définit comme « l’ensemble des molécules actives de la partie de plante utilisée », répond à ce grand principe(1)(2).
Notion pharmacologique de "Totum"
La plante médicinale est composée de milliers de substances. Chacune d’entre elles est présente en quantité variable (souvent faible). Parmi tous les principes actifs (PA), il est souvent difficile de mettre en évidence les plus essentiels, mais deux caractéristiques sont à souligner :
- chaque PA est accompagné de ses précurseurs et de ses métabolites, qui d’ailleurs peuvent être également actifs.
- chaque PA coexiste avec d’autres PA mais aussi avec tous les autres constituants de la plante : ces derniers et les métabolites primaires (*) de la plante se révèlent souvent indispensables en intervenant par exemple dans les réactions enzymatiques.
Cette notion de métabolite actif et de prodrogue, nous parait capitale, car elle renvoie de fait, à l’organisme dans lequel se fera cette transformation pharmacologique de la substance initiale, et donc à la qualité spécifique de la fonctionnalité physiologique de l’individu concerné (voir 3-2).
Pris isolément, chaque PA ne possède souvent qu’un effet faible ou limité. En revanche, la complémentarité des constituants de la PM manifeste l’activité pharmacologique résultante du « Totum ». Celle-ci s’explique par les effets conjugués et variables de synergie, potentialisation (et parfois même d’antagonisme) de l’ensemble des principes actifs ainsi que de leurs biodisponibilités respectives(3)(4)(5). La vision systémique de la biologie, qui s’intègre dans la nouvelle interprétation scientifique des systèmes vivants, met en lumière une notion fondamentale : à chaque niveau de complexité (le « totum »), les phénomènes observés révèlent des propriétés qui n’existent pas à un niveau inférieur (les principes actifs isolés). Le « tout » est bien plus que la somme des parties ! Les exemples suivants illustrent ces propriétés remarquables(6).
A savoir :
(*) les métabolites primaires participent directement à la fonction basale et vitale de la structure de la cellule végétale, son développement, sa reproduction. Leur présence est qualitativement et quantitativement relativement constante pour une même espèce. Ces métabolites principaux sont la caractéristique chimique et spécifique de l’espèce donnée. La présence des métabolites secondaires varient quantitativement en fonction de la particularité de l’écosystème dans lequel se trouve la plante. Ils jouent un rôle principal dans l’adaptation environnementale du végétal.
Synergie et Potentialisation de l’action thérapeutique
Synergie et potentialisation sont fréquemment observés en présence du « totum » d’un extrait végétal.
Grâce aux avancées scientifiques contemporaines, des modélisations mathématiques (que nous ne développons pas ici), portant notamment sur l’amplitude, la cinétique et la chronologie de la réponse synergique au sein de la cellule ont permis de confirmer l’empirisme des Anciens et de valider les observations cliniques de la synergie.
Ces études ont d’abord prouvé que la synergie représente un moyen efficace d’augmenter l’amplitude de la réponse cellulaire induite par un niveau bas de stimulation. Elles montrent également que le degré de synergie dépend d’une part de la dose totale (de la drogue) et d’autre part de la quantité proportionnelle de chaque principe actif mais qu’elle est, en revanche, indépendante de la puissance relative de chaque agoniste(7).
Exemple de la Fumeterre, Fumaria officinalis L. (Fumariaceae)(8)(9)
- Partie médicinale : partie aérienne fleurie
- Composition chimique simplifiée : plusieurs groupes de principes actifs :
Alcaloïdes (protopine, fumaricine, fumariline, sanguinarine..), Flavonoïdes, Acides organiques (fumarique, malique, succinique..), Acides phénols (acides chlorogénique, caféique…), Sels de potassium… - Les propriétés amphocholérétiques (entre autres) de la fumeterre sont bien connues, mais celles-ci ne s’expriment qu’en présence de la totalité des principes actifs, c’est-à-dire le « totum » de la partie médicinale de la plante. Aucune action hépatovésiculaire n’est observée lorsque les composants chimiques sont pris isolément (10) D’une part, on observe une synergie entre les différents constituants d’un même groupe et d’autre part, la potentialisation des effets, grâce à la complémentarité d’action des différents groupes entre eux.
Exemple de l’Eschscholtzia, Eschscholzia californica Cham (Papaveraceae)
- Partie médicinale : parties aériennes récoltées à la fin de la floraison
- Composition chimique simplifiée : très nombreux alcaloïdes en faible quantité (0,5%), appartenant à divers groupes : pavine (californidine, eschscholtzine…), protoberbérine, benzyltétrahydroisoquinoléine, apomorphine, protopine et benzophénanthridine, associés à des flavonoïdes, phytostérols, caroténoïdes (8) (11).
- L’effet sédatif, anxiolytique et inducteur de sommeil a été démontré à plusieurs reprises. Les mécanismes mis en jeu sont multiples : modulation du taux de catécholamines, augmentation de la liaison de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA) aux récepteurs du GABA, ou encore, liaison aux récepteurs des benzodiazépines. Pour autant, là encore, l’activité thérapeutique optimale est toujours obtenue avec l’extrait « totum » du végétal. Chez la souris, les alcaloïdes isolés, administrés seuls, sont inactifs ou très peu actifs (12)(13).
Modulation "positive" de l’activité thérapeutique
La modulation « positive » de l’effet thérapeutique éclaire un autre aspect des interrelations existantes entre les différents principes actifs, au sein de l’organisme :
Exemple de l’Opium, latex fourni par l’incision des capsules encore vertes de Papaver somniferum (Papaveraceae).
L’opium contient de nombreux alcaloïdes (10-20%) dont le principal est la morphine. Celle-ci est analgésique, hypnotique et dépresseur respiratoire. La thébaïne est quant à elle, excitante tandis que la papavérine et la noscapine atténuent l’action dépressive respiratoire de la morphine. Ainsi, les effets pharmacologiques de la morphine sont modulés par l’ensemble des alcaloïdes présents et confèrent à l’opium une action plus lente et moins marquée que la morphine prise isolément(14).
Cette spécificité est également caractéristique des huiles essentielles dont les multiples constituants possèdent isolément des propriétés parfois très différentes (voire opposées) mais qui se concrétisent pour l’huile essentielle utilisée dans sa globalité (c’est-à-dire dans son extraction totale et non rectifiée en tel ou tel constituant), par des propriétés de régulation.
Le simple exemple de l’huile essentielle de fleurs de Lavande, Lavandula officinalis, Chaix éclaire cette notion : parmi les nombreux composants de cette huile essentielle, distinguons les monoterpénols (dont le linalol) reconnus comme anti-infectieux et neurotoniques et les esters (en particulier, l’acétate de linalyle) dont les principales vertus sont d’être antispasmodiques et calmants. Ces effets individuellement et en apparence opposés confèrent à l’huile essentielle, employée dans sa globalité, de remarquables propriétés rééquilibrantes nerveuses(15)(16)(17)(18)(19).
Exemple du Saule, Salix alba L. et purpurea L. (Salicaceae)
- Partie médicinale : écorce
- Composition chimique simplifiée (16) :
- dérivés alcooliques salicylés (1,5 à 11%) ou salicylates dont le Salicoside (ou salicine) qui est un glucoside de l’acide salicylique mais aussi : salicortine, trémulacine, fragiline, populine…
- de nombreux composés phénoliques et leurs dérivés aromatiques, comme l’alcool salicylique, l’aldéhyde syringique, les acides salicylique, caféique, férulique…
- des Flavonoïdes et des Tanins.
- Plusieurs essais cliniques chez l’homme recevant un extrait de saule (équivalent à 240 mg de salicoside par jour) ont montré son efficacité sur différentes douleurs arthrosiques. La dose de salicoside utilisée, faible par rapport à la dose d’aspirine (500 mg) nécessaire pour obtenir un effet similaire, s’explique là encore par l’expression de la synergie existante entre les nombreuses molécules actives (12).
- Cependant, deux autres facteurs interviennent, en interrelations avec l’organisme : l’effet « prodrogue » et la biodisponibilité de l’extrait « totum » : le salicoside, en effet, n’est pas actif directement : c’est une prodrogue. Administrés par voie orale, le salicoside et ses esters s’hydrolysent en saligénine (et glucose) grâce à la flore intestinale. Après absorption, la saligénine est oxydée dans le foie en acide salicylique, qui est le composé réellement actif. Remarquons cependant que l’acide salicylique existe aussi directement sous cette forme dans l’écorce de Saule et qu’il est dénué d’effets indésirables (contrairement à l’acide acétylsalicylique à toxicité hépatique). Parallèlement, le salicoside est, lui aussi, à la fois natif dans la drogue et issu de la dégradation lente de la salicortine. Toutes ces réactions en cascades permettent une action durable dans le temps renforcée par la présence d’autres principes actifs, tels la populine et la trémulacine dont les groupes esters rallongent le temps de la métabolisation.
- Ainsi, plus de 86% de « salicylates » seront absorbés avec un taux plasmatique constant durant plusieurs heures. Grâce à l’emploi du totum, la libération linéaire et continue des principes actifs engendre une imprégnation progressive et durable permettant la prise de doses plus faibles et espacées pour un effet thérapeutique de haute qualité : efficacité et absence d’effets secondaires (9(20).
Quenching(21)
Le terme anglo-saxon « quenching » est utilisé lorsque l’un des constituants du « totum » supprime l’un ou plusieurs effets indésirables des autres composants. Le « quenching » a été principalement mis en évidence dans l’emploi des huiles essentielles :
– le citral (aldéhyde terpénique) employé isolément provoque des irritations ou des sensibilisations de la peau et des muqueuses. Cependant, au sein de l’essence de citron (Citrus limonum), la présence simultanée de d-limonène et alpha-pinène empêche l’expression de cet effet indésirable.
– de même, dans l’huile essentielle de thym (thymus vulgaris L.), la présence de linalol et d’autres alcools monoterpéniques, réduit significativement la dermocausticité des phénols associés (thymol et carvacrol)
– qui plus est, certains constituants d’huiles essentielles qui présentent isolément une toxicité potentielle, ne communiquent pas nécessairement celle-ci à l’huile essentielle elle-même, à condition qu’elle soit prise dans son totum d’extraction et non modifiée. L’exemple type est celui des cétones : le camphre présent dans l’huile essentielle de lavandin ne confère pas de neurotoxicité à cette huile essentielle complète.
Implication du "totum"en Phytothérapie Clinique
Place du « totum »
Cette complexité dans la composition – et donc dans l’analyse de la PM qui en résulte – a progressivement conduit sur la voie de la phytochimie, privilégiant la mise en évidence du PA, son isolement et sa modification chimique, afin d’augmenter sa puissance d’action et/ou diminuer les effets secondaires spécifiques à on isolement et à sa concentration. Cette voie, source de progrès incontestables, a conduit dans ses excès aux problématiques actuelles de iatrogénicité (4° source de morbidité) et à l’abandon de la PM et de la notion même de Totum.
Devant les problématiques actuelles et ces excès, largement médiatisés, et le recadrage tant méthodologique que législatif conduisant à l’attribution des AMM, dont les pouvoirs publics commencent à prendre conscience, il nous parait que la réintroduction de l’outil PM, devient une opportunité thérapeutique des plus intéressantes dans le cadre des pathologies courantes (80% des cas).
Cependant, il nous parait tout aussi évident que, reprendre le même chemin conceptuel et méthodologique que celui qui a conduit à l’abandon de la PM, est un non sens. Une deuxième voie, complémentaire à celle de la phytochimie est celle de l’utilisation de la PM dans son totum. Dans ce cadre, celui d’une Phytothérapie Clinique Intégrative, cette complexité devient alors richesse(22).
Les exemples vus ci-dessus démontrent la pertinence de l’utilisation du « totum » en Phytothérapie Clinique :
– avantage d’une multiplicité de principes actifs complémentaires permettant une utilisation à doses faibles,
– bénéfice des effets de synergie et de potentialisation,
– excellente tolérance et simultanément, diminution significative, voire absence d’effets secondaires ou indésirables.
– sans oublier l’aspect économique indéniable (rapport coût/efficacité) devant la faillite financière des systèmes d’assurance sociale, tant dans les pays développés qu’en voie d’émergence.
Ces caractéristiques sont accompagnées d’un autre aspect majeur : l’existence de l’harmonie physiologique entre les constituants de la plante et l’organisme humain. Les constituants d’origine végétale, issus du « vivant » présentent une certaine analogie de structure moléculaire spatiale (formes cis ou trans, formes lévogyres ou dextrogyres…) avec ceux de l’être humain. Il en est de même pour les différentes phythormones (PA ou métabolites secondaires) ou pour les nombreuses substances de type enzymatique dont les structures moléculaires sont très proches de celle rencontrées chez l’homme(5)(6).
Ceci explique peut-être pourquoi certaines vitamines naturelles sont plus efficaces que celles de synthèse, en dépit d’un dosage plus faible ! Par exemple, le béta-carotène naturel associe les formes cis et trans et est, de plus, accompagné d’autres caroténoïdes (alpha-carotène, lutéine, zéaxanthine…) qui évitent les effets délétères potentiels(23).
L’exemple de la Prêle : Equisetum arvense L. F. Equisetaceae est tout aussi significatif :
- Partie médicinale : parties aériennes stériles
- Composition chimique simplifiée : avec de nombreux principes actifs (tanins, flavonoïdes, polyphénols, stérols, saponosides…), la prêle est caractérisée par une grande richesse en matières minérales (15 à 20% de la plante sèche), en particulier la silice dite « organique » (car venant du « vivant »), présente sous forme de silicium insoluble (concrétions d’opaline) et de silicates hydrosolubles, associée à de nombreux autres minéraux : carbonate et phosphate de calcium, chlorure et sulfate de potassium, fer, magnésium, manganèse, soufre…(9)
- Alors que l’apport de silice minérale provoque un transfert du calcium de l’os vers les autres tissus, il est remarquable de constater que l’administration de prêle entraîne au contraire le transfert de calcium vers l’os. Ainsi, la prêle favorise la minéralisation osseuse. Il semble que la nature du silicium (silice organique), en présence de potassium soit à l’origine de cette particularité (24) (25). Parallèlement, la prêle stimule l’activité des facteurs de croissance, en périphérie, au niveau osseux (22).
Nous voyons ainsi que les propriétés physiologiques du « totum » émanent des interactions et des relations existant entre tous les PA et autres constituants de la PM, mais aussi des interrelations avec l’organisme pris dans son entière fonctionnalité et sa réactivité spécifique. Il s’agit bel et bien d’une synergie physiologique du vivant qui s’illustre particulièrement dans les trois niveaux d’action du « totum », en Phytothérapie Clinique.
Niveaux d’actions et indications du « totum » en Phytothérapie Clinique Intégrative
L’approche en Phytothérapie Clinique Intégrative utilise le » totum » de la PM et prend alors en compte toutes les potentialités de celle-ci. Nous distinguons 3 volets complémentaires dans la mise en place de la stratégie thérapeutique :
- un premier volet symptomatique avec une démarche de type substitutive, grâce aux propriétés pharmacologiques directes démontrées. Dans ce cas, le remède s’attaque au seul symptôme et se substitue à la réactivité adaptative de l’organisme (anti-inflammatoire, antispasmodique, antidépresseur, anti-…). Il élimine le symptôme afin de soulager le malade et/ou protéger l’organisme en phase suraigüe.
- le deuxième volet concerne l’action de drainage. Cette action consiste à soutenir les fonctions sécrétrices ou excrétrices des différents organes éliminateurs et permet d’améliorer la fonctionnalité de l’organisme dans sa lutte pour retrouver un état d’équilibre (état de santé).
- le troisième volet, de niveau endobiogénique(22) voir aussi s’attache à réduire les déséquilibres inducteurs spécifiques à l’individu de la pathologie considérée, et à régulariser les mécanismes d’adaptation et de réactivité de l’organisme.
Ainsi, la notion de « totum » de la PM, tant dans sa composition que dans sa posologie avec l’utilisation de doses faibles ou physiologiques, répond parfaitement à aux objectifs de ces trois volets . Il dévoile la subtilité des potentialités de la PM dans la régulation de la réactivité physiologique fonctionnelle spécifique dont les dysfonctionnements sont à l’origine du processus pathologique.
Nous exposerons ces trois niveaux d’activités complémentaires en reprenant l’exemple de la fumeterre utilisé dans son totum :
- 1er niveau : action de régulation symptomatique
- La fumeterre possède des propriétés (8)(9)(26)(27) :
- spasmolytiques digestives : sphincter d’Oddi, muscles lisses intestinaux, pulmonaires et utérins attribuées aux alcaloïdes.
- dépurative : acide fumarique, sels de potassium
- bradycardisante et hypotensive : protopine
- anti-inflammatoire : protopine, flavonoïdes…
- La fumeterre possède des propriétés (8)(9)(26)(27) :
- 2ème niveau : action de régulation de drainage
- la fumeterre est diurétique et hypolipémiante par activité pancréatique exocrine(22)
- l’activité amphocholérétique (citée précédemment) de la fumeterre a été l’objet d’études cliniques in vivo et constitue un bel exemple de régulation physiologique. En effet, la fumeterre est capable de provoquer une variation du débit biliaire en fonction de l’état physiologique observé : la cholérèse est augmentée lorsque le débit est faible, tandis qu’elle est diminuée lorsque le débit est élevé. En revanche, les variations mesurées ne sont pas significatives lorsque le débit est moyen. Ces résultats ne sont pas observables sans l’utilisation du « totum » de la plante(28)(29).
- 3ème niveau : action de régulation physiologique intégrative
- La fumeterre est parasympathicomimétique et sympatholytique ; elle est aussi anti-histaminique et antisérotoninergique (22)(26)(27).
A titre d’autre exemple intéressant, la sauge officinale manifeste une activité régulatrice sur le métabolisme glucidique grâce à la mise en place simultanée d’un effet et de son contraire : elle est capable d’induire à la fois un effet hyperglycémiant, indirectement grâce à ses propriétés œstrogénique et un effet hypoglycémiant par son action pancréatique exocrine(22). De ce fait, cela confère à la sauge officinale des propriétés régulatrices de la glycémie dont l’intensité et la qualité seront fonction de la correction physiologique régulatrice spécifique au patient considéré.
Ces deux cas témoignent de l’intérêt de :
- l’utilisation du « totum » en Phytothérapie Clinique
- et surtout de resituer l’utilisation de la PM dans le cadre d’une réflexion physiologique globale, intersystémique et régulatrice, telle que préconisée en Phytothérapie Clinique Intégrative.
La prise en compte de la totalité des propriétés potentielles du « totum » de la plante permet l’utilisation de celle-ci dans un éventail d’indications très large et cependant parfaitement ciblé. Les indications retenues pour une plante donnée seront toutes celles reconnues par les pharmacopées, enrichies de celles issues des données de la clinique, qui elles prennent en compte toutes les activités de régulation de cette plante intégrées dans une analyse physiologique spécifique à l’individu.
Ainsi, la fumeterre « traditionnellement préconisée pour faciliter les fonctions d’élimination urinaire et digestive comme cholérétique ou cholagogue » sera plus précisément utilisée en Phytothérapie Clinique Intégrative dans les affections nécessitant un drainage hépato-biliaire et pancréatique et comportant une composante spasmodique et/ou allergique et/ou inflammatoire. Elle sera tout aussi bien indiquée dans le traitement de certaines affections respiratoires ou cutanées, allergiques ou inflammatoires ou encore dans certains cas d’hypertension ! (30).
Pour autant, le choix de la PM sera prioritairement conditionné par l’adéquation entre la totalité du profil des propriétés pharmacologiques et cliniques de la PM et la prise en compte de l’ensemble du profil pathologique du patient, tant sur le plan symptomatique que des mécanismes physiopathologiques inducteurs de la maladie observés spécifiquement chez la personne conçue comme un « tout »(22).
Choix de la forme galénique
Les atouts du « totum » que nous venons de développer conditionnent par conséquent la recherche de la forme galénique la mieux adaptée. Celle-ci devra se rapprocher au plus près du « totum » de la nature. Plusieurs formes galéniques, solides ou liquides s’y conforment : la poudre totale de plante (PM), les suspensions intégrales de plantes fraîches (SIPF). Cependant, compte tenu du très grand nombre de principes actifs qu’elles contiennent, bien d’autres formes galéniques peuvent véritablement être assimilée à des « totum d’extraction » : infusions et décoctions, extraits fluides, extraits secs, microsphères, teintures-mères, huiles essentielles, etc…Toutefois, il est impératif que ces « totum d’extraction » soient alors complets dans leurs modalités spécifiques d’extraction (méthodologie : qualité et durée…) et qu’il n’y ait pas de rajout de tel ou tel principe pour obtenir un pourcentage « calibré » et « standardisé » de tel principe dit actif.
Là encore, la connaissance de la plante est indispensable, car selon la forme galénique de « totum » choisie, la cible thérapeutique change. Ainsi, la recherche d’une reminéralisation sera majoritairement réalisée à l’aide de la poudre totale de prêle plutôt qu’avec la teinture-mère…
Conclusion :
Le « totum » de la plante, de par ses éminentes caractéristiques répond parfaitement aux besoins et critères de la Phytothérapie Clinique Intégrative qui s’inscrit dans une stratégie de globalité :
- Multiplicité du nombre de principes actifs avec le bénéfice d’une part de leurs effets de synergie, potentialisation, effet prodrogue et de la biodisponibilité et, d’autre part, d’une excellente tolérance avec absence ou minimisation d’effets secondaires ou indésirables.
- Propriétés pluridirectionnelles s’exprimant sur les 3 niveaux d’action :
- symptomatique
- de drainage
- et correctrice des déséquilibres premiers inducteurs de la pathologie (Physiologie intégrative) en agissant sur les dysfonctions neuroendocriniennes à l’origine des déséquilibres métaboliques inducteurs de l’état pré-critique ou critique ainsi que de l’expression pathologique. Ce dernier volet respecte la physiologie de l’individu en soutenant, renforçant ou rétablissant ses propres réactions d’adaptation.
- Doses pharmacologiquement faibles, voire, physiologiques, et qui finalement, favorisent une économie de la ressource associée à un moindre coût !
On le voit, les avantages dans l’utilisation du « totum » d’une PM sont multiples. Plus que la quantité, c’est la qualité qui s’exprime dans la notion de « totum ». Son emploi représente une opportunité pour la médecine et il est clair que l’abandon de ce formidable outil thérapeutique au profit de l’extraction et de la concentration du seul principe actif ne peut plus être une voie exclusive dans l’utilisation de la PM. A l’heure même où les nanotechnologies permettent la délivrance ciblée d’un médicament au cœur des cellules malades, il n’en demeure pas moins que le « totum » de la PM conserve une place de choix, à condition que la Phytothérapie ne reprenne pas le même chemin que celui qui a conduit à l’abandon de la même PM et qu’il se situe dans une stratégie thérapeutique intégrative et régulatrice pour l’organisme humain.
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